1. Rhapsody in blue - Deuxième partie


    Datte: 16/02/2019, Catégories: fh, regrets, Auteur: Lilas, Source: Revebebe

    ... J’aurais presque envie de rejoindre les danseurs qui se déhanchent devant nos yeux plissés par le nuage de tabac.
    
    Et faire un truc dingue. Quelque chose, enfin. Un truc dingue. Je ne sais pas vraiment quoi. Prendre de la coke, peut-être, ou monter sur le bar pour faire un strip-tease. Mais l’énergie me manque. À vrai dire, tout me manque : l’énergie, l’enthousiasme, le courage, et le motif. Pour quoi faire, pour qui ? est le refrain qui rythme ma vie, comme une litanie bien réglée, comme du papier à musique qui chaque jour joue sa même mélodie obsédante.
    
    Pour quoi faire pour qui est devenue la seule question journalière qui me pose un réel problème. Dès que je me lève le matin, commence le rituel dupour quoi faire pour qui, et dès lors, il ne me laisse la paix qu’au soir, lorsque je parviens à dormir, sans avoir pu apporter un seul élément de réponse. Et quel ennui d’accomplir des choses jour après jour en sachant qu’on les exécute sans motifs réels et sans buts appréciables…
    
    Embarrassée par ces pensées, qui tournent décidément un peu trop autour de moi depuis quelques jours, je remue légèrement, mais mon geste ne fait qu’accentuer la pression de ton corps contre le mien. Tu tournes la tête vers moi, et approches tes lèvres de mon oreille :
    
    – Alors, cette soirée ? Tu ne m’as pas répondu !
    
    – Pardon, je n’avais pas entendu ! crié-je presque, afin de me faire entendre. C’était très bien, merci !
    
    Nos visages se frôlent imperceptiblement, et je plonge mes yeux ...
    ... dans ton regard fixe. Une drôle de magie opère alors en nous, probablement due à notre proximité envahissante ; drôle et complètement absurde vu la sordidité du lieu. Je n’aurais jamais cru qu’un tel endroit pourrait provoquer une alchimie quelconque. Autant l’expliquer par nos deux seuls corps, qui se préoccupent sûrement peu de l’endroit où ils pourront exprimer leur inclinaison commune.
    
    Nous nous regardons pendant quelques secondes, puis la faible distance qui me sépare de toi est soudain franchie ; nous nous embrassons longtemps, le cœur battant en rythme avec la musique qui vibre, nos deux corps collés ensemble dans une pression qui devient de plus en plus urgente. L’envie de te faire l’amour, là en public, dans ce vieux canapé défoncé, isolés que nous sommes dans ce coin sombre, me saisit alors par le ventre – le point faible, dirais-je.
    
    Tu écartes ton visage, et je devine le cours de tes pensées, qui doit à peu près concorder avec le mien, à quelques exceptions près – toi tu ne ferais pas l’amour devant tous ces gens, quand bien même ils auraient tous des bandeaux noirs sur les yeux. Et à bien y réfléchir, sûrement ne le ferais-je pas, moi aussi. Ce n’est qu’un fantasme comme un autre, après tout. Aïe. Un moyen de ranimer les braseros éteints par d’ineffables vents ; si on me permet un zeste de poésie.
    
    – On rentre ? proposes-tu dans un murmure rauque que je perçois à peine.
    
    Je préfère, oui. J’en ai marre de toute cette fumée, de ces spots miteux, du vin blanc ...