Rhapsody in blue - Deuxième partie
Datte: 16/02/2019,
Catégories:
fh,
regrets,
Auteur: Lilas, Source: Revebebe
... des mères de famille qui enseignent le catéchisme.
La mauvaise action et la bonne intention. Bon sujet de dissertation philosophique, tiens.
– Eva, tu as encore envie de manger quelque chose ?
Brutalement arrachée de mes pensées, je regarde Arkshay avec hébétude, sans comprendre. Mes trois sens égarés et maintenant retrouvés m’abrutissent un moment, et je vous fixe tous les deux comme si je m’éveillais d’un songe, assommée par la lumière, les gens, le bruit assourdissant des conversations. Je réalise soudain que je dois faire entendre ma voix, et enregistre enfin la signification de la question qu’on m’a posée.
– Non, dis-je.
– Okay, alors on s’en va ?
Vous n’attendez pas ma réponse, et commencez à vous lever en poursuivant votre conversation là où elle s’est interrompue.
Je vous imite avec beaucoup moins d’énergie. J’ai du mal à croire que je viens de rester prostrée des minutes entières sans avoir conscience de l’endroit où je me trouvais. Jamais cela ne m’arrive, d’habitude. Il faut vraiment que je sois troublée par quelque chose – ou quelqu’un – pour que la réalité ne devienne qu’un écran à une seule dimension derrière la bulle de ma concentration. Et depuis que je t’ai revu, ça m’arrive constamment.
Je ressens de nouveau, profondément, ce sentiment d’impuissance qui m’est venu la veille. Constater à quel point je ne maîtrise pas le cours de mes pensées, à quel point je n’ai pas le contrôle de mon corps, de mes paroles ! Bref, à quel point je ...
... n’ai aucun pouvoir sur rien, même pas sur moi-même est très dérangeant et très désagréable.
Et ça me met immédiatement hors de moi.
Nous marchons un moment dans les rues bondées. La fatigue me tombe dessus comme un coup de massue. J’ai froid. Les lumières dansent devant mes yeux. Une symphonie de rose, de jaune et d’orange, qui s’interchangent à mesure que nous dépassons les devantures brillantes qui me font plisser les paupières. Comme une somnambule, j’évite les gens qui marchent en sens inverse, les comparant bientôt à des bolides que je dois éviter en tournant, ralentissant ou accélérant, tel un atome bombardé par d’autres atomes.
Une main me saisit le coude, m’arrêtant dans ma course effrénée.
– Arkshay doit nous quitter, annonces-tu.
Je te regarde. Impossible de dire si la nouvelle t’attriste, si tu t’en fiches, ou si tu es content de te retrouver seul avec moi.
Je me tourne vers Arkshay. Cher petit Indien, qui a tout deviné sans qu’on ne lui dise rien, qui a tout compris de mon cœur, de mes inquiétudes et de mes doutes, et aussi de mon attachement pour toi. Quel homme perspicace, oui, vraiment. Et toi qui ne vois rien. Qui n’as jamais rien vu. Ou pire, qui as toujours fait semblant d’être aveugle. Dans une supercherie qui m’a coûté des mois, des années de blues à l’âme.
Toi et moi pris dans une sorte de boléro d’amateur, une danse dont on ne connaissait pas les pas, dans un rythme qui n’était pas le nôtre. Toi et moi emportés par une musique aux ...