1. Mon patron, cet abruti (1 / 7)


    Datte: 10/09/2018, Catégories: nonéro, Humour Auteur: Anne Grossbahn, Source: Revebebe

    ... une grande boîte ayant jadis contenu des couche-culottes. Obéissant à une impulsion aussi soudaine que saugrenue, je profite de l’occasion pour glisser discrètement par-dessous les restes du soutien-gorge. François empile également des papiers et reprend sa caisse.
    
    — Je suis désolée, je répète, tout en me demandant instantanément quelle mouche me pique.
    
    Il me sourit, secoue la tête et s’éloigne. Je regagne le bureau en m’interrogeant sur la tête que fera François en découvrant mon « cadeau », et je me demande si je n’aurais finalement pas mieux fait d’abandonner l’objet dans la poubelle des toilettes ! Était-il donc si urgent de m’en défaire ? J’ai la désagréable impression d’avoir commis une connerie, mais c’est dans la tendance de la journée, alors je m’efforce de me concentrer au maximum sur ce que je vais dire et faire, histoire de mettre un frein à la désastreuse accumulation.
    
    — Ça s’est bien passé ? m’interroge Cheryl.
    
    Je remarque son air plus détendu que précédemment. Elle est assise à son bureau, juste en face du mien.
    
    — Heu… Oui, ça va, dis-je sans m’avancer davantage tant je me méfie de tout le monde dans cette maison de fous !
    — Elle a été comment ? insiste Cheryl.
    
    La question m’embarrasse. Madame Demarche s’est montrée désagréable, mais peut-être est-ce son habitude.
    
    — Ben… Pas très accueillante, mais ce doit être son genre, je suppose. Je ne sais pas, je n’ai pas de point de comparaison.
    — Désagréable ? me demande Cheryl, plus doucement ...
    ... et en se penchant vers moi.
    
    J’hésite. Je n’arrive pas à me départir de ma méfiance.
    
    — Disons… froide, mais pas franchement désagréable. Et avec vous ?
    
    Ma question semble la surprendre.
    
    — Avec moi ?
    — J’espère que vous ne vous êtes pas fait passer un savon par ma faute, dis-je sur un ton de confidence.
    
    Je ne sais pas pourquoi j’ai osé dire ça, mais Cheryl se lève tout à coup, vient près de moi, se penche et s’accoude à ma table de travail.
    
    — J’ai eu droit au savon, en effet, me murmure-t-elle tout près de mon visage, mais ce n’est pas de ta faute. Moi seule suis en cause.
    
    Elle est si proche que je sens son discret parfum, malgré l’odeur de transpiration que je trimbale !
    
    — Plus tard, je t’expliquerai, sourit-elle énigmatiquement. Et tu peux me tutoyer.
    
    Je discerne dans son regard une étincelle de triomphe, juste avant qu’elle regagne sa place. Décidément, trop de choses échappent à mon entendement ! Nous ne disons plus rien et je me plonge dans mes papiers. L’ouverture de la C.E.E. aux anciens pays du Bloc de l’Est rend nécessaire le recours aux traductions en langues slaves. Mes études auront donc servi à quelque chose.
    
    Quand François revient dans le bureau, une demi-heure plus tard, je lève à peine les yeux vers lui, ce qui fait que je ne suis pas sûre qu’il me regarde bizarrement. Ce n’est peut-être qu’une impression, tant je commence à avoir l’habitude d’être regardée comme ça ; mais avec lui, au moins, j’aurais une petite idée du pourquoi ! 
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