1. Mon patron, cet abruti (1 / 7)


    Datte: 10/09/2018, Catégories: nonéro, Humour Auteur: Anne Grossbahn, Source: Revebebe

    Lundi 8 septembre.
    
    — Alors ? On oublie de freiner ?
    
    J’avale ma salive et prends une bonne inspiration.« Reste calme, Marielle ! » me dis-je en voyant mes phalanges blanchir sur le volant. Mais pour rester calme, encore faudrait-il l’être ! Ça fait déjà une heure pleine que je peste dans les embouteillages contre ma fichue habitude de partir à la bourre ; alors, voir ce mec descendre de sa berline germaine et s’approcher de moi, façon Bébel en plein cabotinage, ça me met les nerfs en pelote !
    
    — J’ai pas oublié de freiner, je grince au-dessus de ma vitre à demi baissée.
    
    Et d’un seul coup, j’ouvre la portière et descends de ma vieille Renault, juste pour voir le type faire un bond en arrière pour éviter que la tôle crasseuse lui souille le pantalon.
    
    — Ah non ? grogne-t-il.
    — J’ai freiné un peu tard. Vous, par contre, vous avez freiné un peu fort.
    
    Il ouvre la bouche pour répondre, mais je sais déjà ce qu’il va dire.
    
    — Quand on suit une bagnole, on doit s’attendre à la voir s’arrêter.
    
    « Je sais que je suis dans mon tort, Glandu ! », ai-je envie de lui envoyer, mais je me mords la lèvre.
    
    — Ah ouais ? je fais simplement, l’air vachard.
    
    Mais c’est peine perdue. Il hausse les épaules et ricane :
    
    — J’ai rien, de toute façon, alors pas la peine de faire un constat, vous y perdriez des plumes, ma petite.
    
    « La petite, elle t’emmerde », me dis-je immédiatement.
    
    — Vous, par contre… poursuit-il, goguenard.
    
    Mon pare-chocs pend lamentablement d’un ...
    ... côté, bien dégommé par le crochet d’attelage équipant la voiture de l’autre. Pourquoi a-t-il un crochet d’attelage, ce bourgeois péteux autosuffisant ? Je l’imagine bien pratiquant le camping avec une caravane de sept mètres de long, rien que pour enquiquiner le prolétariat !
    
    J’essaie de remettre le foutu morceau de plastique en place, mais il doit y avoir quelques attaches de bousillées.
    
    — C’est la qualité française, ça, ma p’tite dame ! ironise-t-il à nouveau. Allez, ciao !
    
    Et, fier sans doute d’avoir prononcé un mot en italien, il me plante là, s’engouffre dans sa tire et démarre dans un crissement de pneus sous le regard d’une poignée de badauds. Plusieurs coups de klaxon attestent de l’impatience grandissante de la file de mes suiveurs immobilisés contre leur gré. La mort dans l’âme et en exhalant mon dix-septième soupir de la matinée, je me remets en route, encore un peu plus en retard.
    
    La journée commence fort.
    
    -oOo-
    
    Après avoir cherché pendant cinq bonnes minutes une place de stationnement, j’arrive à pied devant le gros immeuble à deux étages dans lequel la société Darville Printing a installé ses quartiers. Loi de la Frustration Universelle : une place de parking se libère à ce moment-là à cinq mètres à peine de l’entrée du bâtiment.
    
    Dans le hall d’entrée, je me racle la gorge, mais la brune de la réception reste obstinément plongée dans ses papiers. Je piétine bruyamment et mes doigts tambourinent sur la tablette où trône un écriteau « accueil ». ...
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