Mon patron, cet abruti (1 / 7)
Datte: 10/09/2018,
Catégories:
nonéro,
Humour
Auteur: Anne Grossbahn, Source: Revebebe
... loupiote s’éteint. Comme aucun des deux autres ne fait mine de remuer, je dis « pardon » et passe devant pour sortir. Veulent-ils aller aux archives ? Redescendre ?
Je me dirige vers la porte coupe-feu et, méfiante, m’en approche prudemment, redoutant l’irruption soudaine d’un spoutnik blond à lunettes nommé François. Rien ne se produit, mais au moment où je franchis le battant et le relâche derrière moi, j’entends une voix de femme résonner dans le petit hall :
— C’est quoi, ça ?
Surprise, je marque un léger temps d’arrêt. J’entends l’homme qui marmonne quelque chose, puis, plus distinctement, la femme dire :
— Et elle travaille ici ?
Si j’avais encore des doutes sur la nature de « ça », les voilà dissipés. Je file en vitesse dans le couloir avant que le boss et la rouquine n’ouvrent la porte coupe-feu, tourne l’angle, dépasse la documentation et m’engouffre dans mon bureau où je retrouve Cheryl buvant un café en bavardant avec Axel. À mon entrée, leur conversation s’arrête et, bien qu’ils répondent à mon bonjour, je suis certaine, à voir leur air embarrassé, qu’ils parlaient de moi quelques secondes auparavant. Qu’ai-je donc qui les préoccupe à ce point ?
Je sursaute quand François émerge de dessous un bureau pour y déposer les papiers récupérés par terre. A-t-il toujours l’air aussi ridicule ? Comme je ne trouve rien de mieux à faire, je me mets au boulot sur les documents que j’ai attaqués la veille, et pendant que François s’agite, Axel disparaît ...
... derrière son mur d’armoires. Cheryl vient s’asseoir près de moi et s’intéresse à la progression de mon travail.
— Tu avances bien, me dit-elle, passant pour la première fois au tutoiement. Ce n’est pas trop compliqué ?
— Du tout.
— Je savais pouvoir te faire confiance, annonce-t-elle, visiblement soulagée.
Une parole aimable. C’est toujours ça de pris.
Une sonnerie, et Cheryl décroche son téléphone. Elle parle peu, juste quelques « oui » et elle termine par :
— J’arrive, madame.
La mine sombre, elle raccroche et quitte le bureau. J’ai du mal à respirer. D’habitude, c’est un signe avant-coureur de l’imminence d’emmerdements, mais ce matin je n’en suis pas absolument certaine parce que dans ma hâte de partir à temps pour arriver à l’heure, j’ai mis un soutien-gorge de Pauline, ma sœur avec qui je partage un appartement, plutôt qu’un des miens. J’aurais dû m’en apercevoir de suite aux difficultés rencontrées pour le fermer, mais sur le moment j’ai cru que c’était de la maladresse parce que j’étais encore dans les brumes du sommeil. Ensuite, j’étais habillée et c’était trop tard !« Toute une journée dans un soutif de Poppy, c’est du masochisme ! » me dis-je.
N’empêche que mes difficultés respiratoires m’inquiètent. Une petite voix sadique me souffle à l’oreille que la dame du téléphone est celle à qui j’ai posé un lapin la veille, et qu’un retour de flammes est à craindre si Cheryl ne parvient pas à éteindre l’incendie. Je me plonge dans mes papelards tout en ...