Rencontre de l'Ange
Datte: 04/02/2018,
Catégories:
amour,
nonéro,
Auteur: Igitur, Source: Revebebe
... mon témoignage : où j’étais, d’où je venais, qui j’avais vu, si j’avais eu le sentiment d’être suivi ou observé à un moment ou à un autre. Il m’a fallu décortiquer mes souvenirs, sentir à nouveau l’odeur de la poudre, revoir les corps déchiquetés, réentendre les cris, les pleurs.
J’étais exténué lorsque la porte s’effaça devant un ministre et son aréopage de responsables de la police, de la justice, de la santé et l’inévitable photographe qui immortalisa moult poignées de mains. On m’assura que le gouvernement mettait tout en œuvre pour m’aider, me réconforter et attraper les salopards qui ont fait cela. J’ai failli leur demander de me faire venir Ophélie, mais je crois que j’avais encore un doute sur son existence. Et puis il y eut ma mère, les bras chargés de documents administratifs divers à remplir, à signer, afin de pleinement profiter de mon nouvel état de victime civile de guerre. Cette journée harassante s’acheva par la visite du chirurgien inquiet de mes plaies qui cicatrisaient sans hâte. Il prescrit quelques fortifiants qui devaient y remédier. Il n’était pas question de me libérer le lendemain. Je ne m’en plaignais pas, je ne me sentais toujours pas prêt ni à retravailler, ni à vivre seul, ni à vivre avec mes parents. Que l’hôpital prenne ma vie en charge me convenait très bien.
Je ressassais les événements de la journée tout en avalant la ration insipide du malade hospitalisé. Puis je repoussais la tablette et commençais à me laisser flotter entre rêve et ...
... réalité quand la jeune femme du petit déjeuner fit son entrée pour me débarrasser des reliefs du dîner.
Elle venait à pas de loup me croyant endormi, mais avant qu’elle ne prenne le plateau, je lui attrapai la main
— Bonjour, tu es encore là, tu fais de longues journées Camille. Je ne t’ai pas fait trop peur ce matin ?
— Non, je comprends.
Je jouai avec sa main entre mes doigts comme avec un petit animal apeuré. Elle continua :
— Vous avez meilleure mine ce soir.
— Merci, les réveils sont difficiles. Quand j’ai ouvert les yeux ce matin j’avais oublié. Tu es arrivée au moment où tout revenait d’un bloc.
Je sentais qu’elle avait passé avec moi le temps maximum qu’elle était autorisée à accorder à un patient et qu’il fallait maintenant qu’elle me quitte. J’ai approché sa main de mes lèvres pour y déposer quelques baisers et je l’ai regardée partir avec mon plateau les joues roses comme le matin
Je croyais être enfin libre pour la nuit, lorsqu’Henriette mon Antillaise du matin fit son entrée. Elle arborait son large sourire
— Ah ben toi, t’es un sacré coco ! La pauvre Camille, tu nous l’as toute retournée encore ce soir ! Elle se prend d’affection pour toi, attention.
Et elle partit en exploration autour de mes pansements avant de me faire absorber deux cachets.
J’ai dormi sans douleur, sans cauchemars et sans rêves.
Le lendemain je ne vis ni Camille, ni Henriette. Je me sentais abandonné. La journée fut interminable. Le chirurgien m’annonça comme ...