1. Rencontre de l'Ange


    Datte: 04/02/2018, Catégories: amour, nonéro, Auteur: Igitur, Source: Revebebe

    ... Le sommeil m’a terrassé. Ma deuxième journée à l’hôpital fut identique en tout point à la précédente, à ressasser ma rencontre d’une bombe avec tout le monde et à ressasser pour moi seul la rencontre d’un ange.
    
    Dans la nuit un nom m’était revenu. Mais la grosse infirmière lymphatique qui s’occupait de moi ce jour-là ne connaissait pas d’Ophélie.
    
    Sur ma table de nuit les journaux s’entassaient, les livres que les uns et les autres m’apportaient, je n’avais rien ouvert. Même la télévision était restée muette, je n’avais plus de téléphone, je ne voulais pas d’ordinateur. Chaque fois que j’approchais du monde extérieur, des poings de béton se ruaient sur un visage de femme. Je ne le voulais pas.
    
    Demain je serai à nouveau opéré, après, je rentrerai chez moi. Je ne le voulais pas. C’était devenu la conversation principale avec le psy. Et surtout, pas question de retourner vivre chez les parents. Je ne voulais rien, plus rien.
    
    Je partis pour la seconde opération sans appréhension. Avec même un petit espoir de rencontrer Ophélie devant un monte-malades. Personne. Et lorsqu’après l’intervention, l’anesthésie fut abolie, je compris que les opérations se suivent et ne se ressemblent pas.
    
    Le chirurgien ne manqua pas d’explications sur la profondeur des morceaux de métal qu’il avait extraits, leurs formes tarabiscotées… Certes, mais j’avais mal, très mal aux jambes.
    
    Cette nuit-là, j’ai mal dormi, les cauchemars sont revenus, agressifs, violents. J’avais mal aux jambes, ...
    ... j’abusais des antalgiques. En pleine nuit entre rêve et délire, j’ai cru sentir une main sur mon bras, sur ma main, qui me caressait. J’ai senti une bouche qui se pressait sur mon front. Je n’ai pas ouvert les yeux pour ne pas rompre le rêve. La douleur s’est estompée, les cauchemars ont été abolis et au réveil je me demandais où j’étais et pourquoi ? Et puis tout est revenu, davantage même que la veille, j’ai ressenti le souffle poussiéreux de l’explosion qui me comprimait les poumons, j’ai entendu les petits cris suraigus de ma voisine lorsque le poing de béton lui arrachait le visage. De petits cris de mort.
    
    Lorsque mon petit déjeuner est entré dans les mains d’une jeune femme, j’étais en larmes. En me voyant, elle a blêmi et s’est mise à trembler. La cuillère dans la soucoupe faisait tinter la tasse de café.
    
    — N’ayez pas peur, posez le plateau là.
    
    Je lui dégageai la place et me forçai à lui sourire, mais les larmes continuaient de couler.
    
    Au moment où elle allait partir, je lui ai délicatement attrapé le poignet, comme une caresse, et je lui ai dit :
    
    — Vous êtes très jolie mademoiselle…
    
    Elle m’a remercié en baissant le regard un instant et elle est partie à reculons sans me quitter des yeux, en rosissant. J’imaginais qu’elle irait vite faire un compte-rendu de mon état et que je verrai bientôt l’infirmière du jour.
    
    En réalité je ne la trouvai pas si jolie, mais j’avais tellement envie ce matin-là de dire à quelqu’un que je l’aimais. Ça ma rasséréné et ...
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