1. Rencontre de l'Ange


    Datte: 04/02/2018, Catégories: amour, nonéro, Auteur: Igitur, Source: Revebebe

    Ai-je entendu la déflagration ? Je me le demandais. J’étais sur cette place, je baguenaudais au premier soleil printanier. Je barbotais dans le sillage parfumé de jolies filles quand ce grand trou noir s’est ouvert. Bien sûr j’ai entendu quelque chose de violent, puis un grand sifflement, des bruits lointains, étouffés. Étonné de me retrouver à terre sans savoir comment, j’ai eu l’intuition d’une bombe plus que la certitude d’un attentat. Quelle autre explication ? Je ne ressentais rien de particulier, aucune douleur. Je n’entendais rien que ce sifflement, strident et un lointain brouhaha. Tout s’était passé très vite, mais ma mémoire me rejouait des extraits de la scène au ralenti, une succession d’images incohérentes. Lorsque j’ai vu la lumière du soleil, j’ai compris que l’instant d’avant j’étais aveugle. Je reprenais contact progressivement avec mon corps, mes bras, mes jambes, ma tête.« Houston on a eu un problème ! » Il me semblait bien avoir perdu conscience un instant, mais un instant de quelle ampleur ?
    
    Je me suis relevé d’un bond. Près de moi gisait un corps. Celui de la jeune femme qui avait timidement baissé son regard noir et profond lorsque je lui avais souri. À côté d’elle un morceau de béton ensanglanté, de la taille d’un poing serré. Projeté par la bombe, il lui avait arraché la moitié du visage. Je restais hébété devant ce corps sans vie. Autour de moi des poussières tournoyaient. Je percevais maintenant des cris, des bruits de foules courant en tous ...
    ... sens, des sirènes dont le volume abolissait mon acouphène persistant. Je pouvais aider, porter secours aux blessés. Je me suis retourné pour envisager le drame, trop vite. J’ai eu un étourdissement et je me suis retrouvé dans les bras d’un grand gaillard qui m’a rattrapé de justesse.
    
    J’ai balbutié :
    
    — Ça va, ça va, par réflexe, un peu énervé d’avoir vacillé.
    
    Avec une voix douce et calme, il a répondu sans me lâcher
    
    — Non, ça ne va pas, venez vous faire soigner.
    — Mais je n’ai rien, rétorquai-je en reprenant ma liberté vivement.
    
    Il m’a souri à peine en disant
    
    — Vous vous êtes regardé ?
    
    J’ai regardé. Mon pantalon était constellé de trous d’où sortaient de minces filets de sang. J’ai essuyé une coulée de sueur sur mon front, machinalement j’ai regardé ma main, elle était rouge de sang.
    
    — Rien de grave, m’a dit calmement le secouriste en passant son bras autour de mes épaules pour me conduire vers une ambulance arrêtée à quelques mètres de là.
    
    En me laissant guider, je me suis retourné vers la jeune femme défigurée. Quelqu’un avait recouvert son corps et son visage d’une couverture de survie. Fallait-il que le premier mort qu’il me soit donné de voir fût cette jolie jeune femme que j’imaginai séduire quelques instants auparavant ?
    
    On m’a assis à même le plancher à l’arrière d’une ambulance. Un jeune médecin m’a examiné rapidement. Je n’ai pas su lui dire où j’avais mal, si même j’avais mal. Je crois que j’ai pleuré lorsqu’il a nettoyé mon front. Mais il ...
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