Version française - Histoires de Sexe

Version française

... écarquillés, dans un état second dont il ne sortit que pour nous adresser un pouce levé. Quelque chose me dit que le geste était synchronisé à l’état d’un autre élément de son anatomie.

— Si en plus c’est confirmé par les études de marché, il n’y a plus qu’à s’incliner, conclut-elle.

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— C’est entendu, Paul. J’exerce mon option. On signe le contrat, et tout de suite.

Dans le lumineux biotope de son bureau, Alix avait retrouvé toute son assurance de femme d’affaires, comme si l’épisode du studio avait été un intermède totalement innocent et sans intérêt. Tout ceci me rendait commercialement satisfait et personnellement un peu déçu.

— Mais alors, comment faisons-nous pour le doublage ? On revient à un casting moins extravagant ?
— Au contraire. On prend tout le monde. Les divas, les bronzés, les Pieds-noirs. Même les Québécois. Même nous, pourquoi pas, puisque Momo semble apprécier.
— Je ne suis pas sûr de comprendre.
— Le résultat est totalement décalé et c’est bien ça qui est parfait. Vos pornos américains sont nuls à chier, en dessous de tout. Mais ce qui finit par les sauver, c’est justement la bonne humeur des voix qui les détournent et les subvertissent. J’ai enfin saisi ce qu’une obscure intuition me soufflait dès le début.
— À savoir ?
— Le concept du programme sera celui-là : du porno burlesque. Nous créerons un nouveau rendez-vous hebdomadaire sur la grille horaire, qui s’appellera« Version française ». De la fesse parodique, un espace de ...

... déconnade un peu foutraque où des invités de prestige pourront se permettre toutes les outrances sur la bande-son des plus lamentables films de boules, en toute liberté. Vous, le spécialiste du documentaire animalier, vous n’avez jamais vu ce qu’en tire Bouchitey ?
— Je commence à vous suivre…
— Pour ce qui est des films eux-mêmes, peu importe. Ou plutôt non. Je vais au contraire vous encourager à faire pire et nous dénicher les plus nuls, les plus pitoyables nanars de la planète cul. Ne me dites pas que ça ne se trouve pas sur le marché.
— À la pelle. Et pour pas bien cher.
— Vous voyez ? En revanche, ce que nous soignerons, c’est le doublage. Là, on va faire comme vous pour cet essai. S’offrir des pointures.

L’idée avait beau être prometteuse, j’étais sceptique sur un point critique : qui donc, parmi la crème de la crème des acteurs et comédiens francophones, allait donc accepter de se compromettre dans une aventure aussi scabreuse, au-delà des quelques inconscients qui avaient accepté par miracle ?

J’avais bien tort. C’était sans compter sur l’intuition d’Alix, son énergie, son acharnement à convaincre, et plus encore, son flair.

Elle avait évité le recours à un présentateur. Chaque séquence se fermait sur un simple fondu au noir, sur lequel apparaissait un titre blanc :« Les avez-vous reconnus ? Tentez votre pronostic sur www.cAnaillebut/versionfrancaise ». Au même moment, retentissait une ponctuation sonore, toujours la même, prononcée par la voix un peu maladroite ...