Fauteuils de cuir et peau de vache
Datte: 11/06/2018,
Catégories:
autostop,
Humour
coupfoudr,
Auteur: Guust, Source: Revebebe
... tous les billets de loterie qui vous permettaient de gagner des babioles « sans obligation d’achat », renvoyait les formulaires-concours (une ou deux questions simplistes, et une question subsidiaire tirée par les tifs), collait les bons de réduction, additionnait patiemment les points des tickets de caisse…
Je n’ai jamais bien su si elle payait ou non tous les timbres-poste dont elle usait pour affranchir ses envois, mais elle prétendait que c’était largement remboursé par ce qu’on recevait. Au début, je n’y croyais pas trop, mais j’ai peu à peu changé d’avis.
— Les gens croient que ça ne sert à rien, qu’il n’y a pas de gagnants, mais c’est faux. Quand on connaît un peu le truc, on repère vite les firmes qui en valent la peine, m’expliquait Tania. Des gagnants, il y en a. Les gens qui prétendent que c’est de l’arnaque, ce sont ceux qui ne renvoient pas leur bulletin de participation, ou rarement. Moi, je participe, tant que c’est gratuit.
De mon côté, mon plaisir mesquin était de dépouiller les mailings des sociétés de crédit ou des compagnies d’assurance, et de fourrer n’importe quel papier à la con dans l’enveloppe jointe qui portait fièrement l’inscription « port payé par le destinataire ». Tania rigolait, mais elle trouvait que je perdais mon temps, si ce n’était rien que pour enquiquiner les enquiquineurs. Elle estimait que ce qu’elle faisait était plus ...
... productif. Ses collègues de la poste lui refilaient tous les bons de participation qui leur tombaient sous la main, et elle se déchaînait.
C’est en recevant notre premier poste de télévision gratuit (on en a reçu plusieurs depuis) que j’ai commencé à y croire. Vaisselle, couverts, petit électroménager… la maison regorge d’objets que nous n’avons ni payés, ni volés. Nous les avons reçus ou gagnés. Tania les a gagnés.
Aujourd’hui, nous nous sommes un peu calmés, mais nous voyageons quand même assez bien, à cause du carburant gratuit dont nous bénéficions encore pendant toute cette année. Les enfants occupent une bonne part de notre temps libre, et nos noms figurent probablement en bonne place sur l’une ou l’autre liste noire des cas désespérants.
Nous recevons beaucoup moins d’offres publicitaires, sans doute à cause de ça, et aussi parce que les temps sont durs pour tout le monde et que les commerçants sont de moins en moins généreux.
Nous n’envisageons toujours pas l’achat d’un salon de cuir. Le voudrions-nous que ça nous poserait problème, car nous sommes interdits de séjour chez presque tous les marchands de meubles de la région.
Nous avons conservé le service petit-déjeuner - quatorze pièces au lieu de dix-huit, le temps ayant fait ses ravages - mais ne l’utilisons plus. Il trône dans une armoire-vitrine (reçue en cadeau), dans le hall d’entrée de la maison.