Fauteuils de cuir et peau de vache
Datte: 11/06/2018,
Catégories:
autostop,
Humour
coupfoudr,
Auteur: Guust, Source: Revebebe
... déprimante d’un lundi pluvieux ?
J’ai répondu que je me rendrais dimanche, accompagné de mon épouse, à la « journée portes ouvertes » de Salonzencuir & Compagnie, pour y retirer mon merveilleux-cadeau-sans-obligation-d’achat et, accessoirement, visiter le magasin.
Je savais que j’allais recevoir une lettre, dans les tout prochains jours, mais je m’en fichais. De toute manière, je n’avais nullement l’intention de leur rendre visite. C’était juste pour leur faire gaspiller le papier, l’enveloppe et le timbre.
J’ai trouvé l’enveloppe dans ma boîte aux lettres le mercredi soir, en rentrant du boulot. Je l’ai ouverte distraitement, haussant les épaules à la vue de l’en-tête colorée au sigle de Salonzencuir & Compagnie, et j’ai balancé le tout dans la corbeille à papiers, au pied de mon bureau.
J’aurais oublié l’affaire jusqu’à la prochaine séance de harcèlement téléphonique d’un des multiples marchands de meubles se disputant le marché, si le lendemain jeudi, les chauffeurs d’autobus n’avaient décidé, à titre exceptionnel, de partir spontanément et sauvagement en grève.
Désorientés par cet imprévisible coup du sort, travailleurs et écoliers restaient tranquillement chez eux s’ils avaient appris la nouvelle au bulletin matinal d’informations et considéraient ça comme un jour de congé providentiel, ou se débrouillaient pour se déplacer par un autre moyen : force du jarret ou véhicule privé.
J’étais au courant de la chose en quittant mon domicile au volant de ma ...
... voiture, et lorsque j’ai aperçu, quelques centaines de mètres plus loin, l’auto-stoppeuse sur le bord de la route, je me suis arrêté sans hésitation.
J’allais dans le centre, et elle aussi, alors elle a secoué son parapluie et elle s’est assise en frissonnant.
— C’est gentil à vous, m’a-t-elle dit. Dehors par ce temps pourri, c’est pas la joie.
J’ai démarré tranquillement, en l’observant du coin de l’œil.
— Vous travaillez au bureau de poste, non ?
— Exactement. Et vous, vous êtes un client du bureau de poste, non ?
Je l’ai regardée de travers, alors elle s’est mise à rire.
— Je n’en sais rien, a-t-elle avoué. Mais je suppose, puisque vous m’avez reconnue !
Effectivement. Elle ne prenait pas de risque.
— Les agents des postes ne sont pas en grève ?
— Non. Pourquoi le seraient-ils ?
— Eh bien, par solidarité avec les camarades des transports en commun, par exemple…
Elle s’est contentée de rire à nouveau. Elle avait un rire clair, très spontané. J’aimais bien.
— Et vous ? Où œuvrez-vous ?
— À la bibliothèque. J’en déduis que vous n’y êtes pas assidue. Sans cela, vous ne me l’auriez pas demandé.
— Un but partout ! a-t-elle dit joyeusement.
Le trajet a passé incroyablement vite. Elle s’est intéressée au disque compact qui tournait en sourdine, reconnaissant John Coltrane, et quand nous sommes arrivés sur la place, je la trouvais si sympathique qu’avant qu’elle descende de la voiture, je lui ai proposé de la reprendre en fin de journée.
— ...