1. La panne


    Datte: 21/05/2021, Catégories: fh, jeunes, caférestau, hdomine, Oral nopéné, Humour Auteur: Igitur, Source: Revebebe

    ... l’injonction normative.
    
    — Ben, et ta bite ?
    — Oh, tu sais, Jean, j’ai découvert une chose, on pense finalement beaucoup mieux sans sa bite !
    — Ouais, mais les femmes ?
    — Les femmes ne sont pas là que pour s’occuper de la bite des hommes, Jean !
    — Oui, mais si t’es pas capable de les satisfaire, elles vont vite voir ailleurs, quelles que soient toutes tes autres qualités.
    — Tu as sans doute raison, mais j’ai envie de profiter du moment sans me faire chier. Depuis que c’est cassé, j’ai eu le temps de voir le monde autrement, je voudrais continuer au moins un petit peu.
    — Alors, tu ne sors pas avec nous ce soir ?
    — Pas ce soir.
    
    En quittant Jean, j’avais le sentiment d’être un héros de tragédie marchant tranquillement vers une mort acceptée. Rideau.
    
    J’ai vécu seul en moi-même pendant encore plusieurs jours. J’ai profité des livres et des CD que j’avais achetés au cours des dernières années, sans jamais les avoirs vraiment lus ou écoutés. J’ai écrit un peu mes impressions sur la vie, des notes sans suite, comme un vieux qui radote. J’ai eu peur d’avoir identifié mon mal, vieillerie précoce, alors j’ai cessé d’écrire.
    
    J’ai finalement accepté la nième invitation de Jean à venir faire la fête. Rendez-vous dans un bar bonne musique et jolies filles, me disait-il, « du côté de la contrescarpe c’est plein de jolies étudiantes, le barycentre du triangle Sorbonne, École Normale, Jussieu, tu ne peux pas rater ça ! »
    
    Je me les rappelais bien les plans foireux, les ...
    ... super-bars malheureusement désertés ce jour-là, quatre potes seuls devant une bière. Pour une fois, ce n’était pas ça. Une foule, deux fois plus de filles que de mecs, et de la jolie étudiante prête à l’aventure !
    
    Jean et les autres retrouvaient une bande de copines, un « coup » sur lequel ils « travaillaient » depuis plusieurs nuits. Pendant qu’ils dansaient, qu’ils frottaient, qu’ils fumaient sur le trottoir, je suis resté au fond de la salle, dans l’ombre à jouer les éthologues derrière ma pinte.
    
    — Je peux ?
    
    Une jeune femme désignait les places à côté de moi, laissées vacantes pour cause de drague intense par les potes. Avec cette lumière tamisée, derrière les verres épais et gras de ses lunettes rondes, je devinai à peine ses yeux. Elle avait les cheveux plaqués tirés en arrière par une queue de cheval hors d’âge, quant à la façon d’habiller ses hanches trop larges, ses seins tombants, ses cuisses potelées, elle était indescriptible, avec des formes et des couleurs improbables. Mais avec son grand sourire, l’ensemble formait une petite bonne femme touchante. Un peu comme une cousine de province perdue dans la capitale. Je l’ai invitée à prendre la place la plus proche de moi et je lui ai demandé ce que je pouvais lui offrir. Elle a dit :
    
    — La même chose que vous.
    
    Bon point pour elle, j’ai horreur des filles qui dédaignent la bière pour des cocktails sophistiqués et colorés. En passant pour reposer son verre vide, Jean ma glissé à l’oreille :
    
    — Tu vas pas y ...
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