Un cavalier sur le toit
Datte: 29/04/2021,
Catégories:
fh,
historique,
Auteur: André 59, Source: Revebebe
... partent, au pas de course et en armes, en direction d’un gros nuage de poussière au milieu duquel quelques débris achèvent de retomber. Est-ce une attaque ? Depuis la capitulation, il y a la crainte diffuse d’un mouvement clandestin, les « Loups-garous » ouWerwölfen, qui pourrait entretenir l’insécurité et commettre des attentats contre les soldats alliés.
Quand ils arrivent, ils aperçoivent un groupe de paysans furieux invectivant un homme réfugié en haut d’une grange. Dieu merci, ils ne sont pas armés. C’est l’un des brigadiers de l’escadron. Il est délogé de là. Reste qu’on ne peut enterrer l’affaire aussi vite. Henri a tenu à ce qu’il s’explique sur ce qui s’est passé. La queue basse – c’est le cas de le dire –, le malheureux donne sa version des événements.
— J’y peux rien, mon lieutenant. La demoiselle de la ferme voulait que lui explique le fonctionnement du canon antichar de 57. Alors j’ai montré la culasse, je l’ai ouverte et j’ai mis un obus. C’est tout. Après, on s’est peloté. Là, dans le noir, comme personne ne nous voyait, elle a abaissé mon falzar et elle s’est mise à me pomper comme une folle. Moi, je suis resté debout, mais à un moment… enfin, vous voyez lequel, j’ai perdu l’équilibre et… euh… en voulant me rattraper, j’ai tapé sur la détente. Et boum, c’est parti ! Heureusement que vous êtes venus, sinon ces furieux m’écharpaient.
— Il y a de quoi ! J’ai ...
... effectivement constaté les dégâts : l’obus a percé deux murs et a frôlé le cul d’une dizaine de vaches à l’étable. Remarquez, ça n’a pas l’air de les avoir traumatisées. Mais imaginez ce qui se serait passé à quelques centimètres près…
— C’est vrai, mon lieutenant : avec ça, on aurait pu faire un sacré méchoui !
Hilarité générale. Le capitaine a bien ri à son tour de cette idylle bucolique brutalement interrompue. Le chef d’escadron négocie avec les fermiers pour enterrer cette affaire à l’amiable. Il utilise à cet effet toutes les boîtes de conserves américaines non consommées depuis plusieurs semaines et, grand seigneur, il ajoute deux bidons d’essence. Il y a là de quoi satisfaire les plaignants, et tout le monde se quitte en bons termes.
Dans les semaines qui suivirent cet épisode, les jeunes cavaliers et leurs tendres amies germaniques travaillèrent activement à la réconciliation franco-allemande, et lorsque les chars français quittèrent la zone pour rentrer au pays, bien des larmes furent versées des deux côtés.
Aujourd’hui, Henri est parti ; mais le jour de ses obsèques, ses compagnons de combat entonnèrent la chanson de marche de son escadron, et le cri de guerre de ces vieux soldats résonna une dernière fois vers le ciel alors qu’ils sabraient le champagne en son honneur : « À NOS CHEVAUX, À NOS FEMMES ET À CEUX QUI LES MONTENT ; ET, PAR SAINT GEORGES, VIVE LA CAVALERIE ! »