1. Harmonie du soir


    Datte: 07/05/2018, Catégories: nonéro, Auteur: Lilas, Source: Revebebe

    ... affaiblie par la fatigue, l’alcool, la tristesse. Il est très tard, j’ai sommeil. C’est vous qui êtes mal élevé, dans ces conditions.
    
    Tomaze força alors la porte, avec une assurance qui la laissa bouche bée ; il poussa la jeune femme, et referma d’un coup de pied le battant derrière lui. Le scénario de sa première entrée, datant de plus d’une heure, revivait soudain, plus vibrant que jamais. Elle se demanda même, un peu perplexe, si elle n’était pas en train de recommencer en rêve sa dispute avec Tomaze. Mais il tenait le cahier…
    
    — Je vous le rends, assena-t-il avec dédain. Je ne sais pas ce qui vous a prise, tout à l’heure, mais je tiens à vous faire remarquer que je ne suis nullement intéressé par le contenu de ce journal.
    
    Liana le fixa, hébétée.
    
    — Mais… parvint-elle à articuler. Mais c’est que vous l’avez lu, alors… vous avez bien eu le temps.
    
    Tomaze saisit de force sa main, et lui plaça le cahier dans la paume, avec fermeté, avant de l’obliger à refermer ses doigts sur sa tranche. Il remarqua au passage que ses mains étaient gelées.
    
    — Liana, je me contrefiche de ce que dit ce cahier, et je me contrefiche également de savoir qui l’a écrit. Je ne l’ai pas lu, croyez-moi. Je n’en ai pas besoin.
    
    Liana baissa les yeux sur le journal, tout en regardant l’homme à la dérobée.
    
    — Vous vous fichez de moi, conclut-elle, néanmoins d’un air hésitant. Si vous vous foutez de ce truc, pourquoi avoir mis une heure à me le rapporter ?
    — Je me suis promené, et ...
    ... contrairement à vous, j’ai gardé les idées claires ! répliqua-t-il avec aigreur. J’ai attendu que vous repreniez vos esprits, figurez-vous !
    
    Liana éclata de rire, et se dirigea d’une démarche mal assurée vers son lit, où elle se laissa tomber avec lourdeur. Tomaze visualisa immédiatement la bouteille de liqueur, posée sur son chevet.
    
    — Laissez tomber la politesse, Tomaze, jeta-t-elle avec cynisme. Je suis loin d’avoir repris mes esprits, comme vous dites… je dirais même que les choses ont empiré, vous ne croyez pas ?
    
    Et elle se remit à rire, interminablement, avant de lancer négligemment le journal par terre, et de saisir la bouteille au goulot. Plus rapide qu’elle, Tomaze fondit sur elle, et la lui arracha des mains.
    
    — Je crois que vous avez assez bu, reprocha-t-il d’une voix glaciale, tout en allant ranger la bouteille dans un des placards de la cuisine, avec une moue dédaigneuse. Ne pensez-vous pas que vous devriez vous montrer plus raisonnable ? ajouta-t-il.
    
    Elle lui lança un long regard indéchiffrable, puis, sans le quitter des yeux, s’étendit sur le lit. Tomaze n’était pas bien sûr de comprendre ce qu’elle voulait. Essayait-elle de le séduire ? Dans ce cas, la tentative serait un piteux échec : il ne touchait jamais une femme ivre. Il regretta soudain d’être revenu, si tard dans la nuit ; pourquoi n’avait-il pas attendu le lendemain pour lui rendre ce satané journal ? La fatigue l’avait égaré, sans doute.
    
    Il s’assit à l’extrême bord du lit, et la regarda ...
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