1. Harmonie du soir


    Datte: 07/05/2018, Catégories: nonéro, Auteur: Lilas, Source: Revebebe

    Résumé de l’épisode précédent : Blessée au cours du concert, Liana se sent encore moins en sécurité qu’avant. Elle découvre également que sa sœur fréquente un jeune homme fort sympathique, ce qui l’empêche de se confier à elle. En rentrant chez elle, la menace devient plus précise…
    
    Liana recula de quelques pas pour juger de l’ensemble. Et l’ensemble n’allait pas. Elle estima que la bouche était trop grande, et les yeux trop petits ; elle se rassit, et d’un coup de pinceau précis, gomma ces deux infimes défauts. Puis avec patience, elle se remit à l’ouvrage. La lampe halogène jetait sur elle une lumière éblouissante, et la mélodie de Chopin qui s’échappait de sa platine laser était aussi lumineuse que le coin où elle travaillait.
    
    Liana se sentait bien, elle se sentait vivre. Oubliées, les peurs et les angoisses, elle n’existait plus que pour finir ce tableau, le troisième en un mois. Le chagrin lui donnait des ailes, arrachait d’elle la furieuse envie de se remettre à peindre. Elle avait négligé son art pendant trop longtemps, et ne réussissait plus à l’exprimer comme elle le voulait.
    
    Machinalement, elle leva les yeux sur son ordinateur, comme abandonné dans un recoin sombre de son bureau, se délaissant de ses caresses manuelles. Cela aussi, elle l’avait négligé.
    
    Si seulement elle avait poursuivi sa thèse… pensa-t-elle douloureusement. Puis elle détourna les yeux, se concentra sur les couleurs, le pinceau, le son des poils glissant sur la toile. Peu importait tout ...
    ... ça, il suffisait qu’elle s’y remette, voilà tout. Elle ne pourrait rien ramener, et ne pouvait rien changer au passé… si seulement, oui… si seulement elle n’avait pas rencontré M. Menthol… si seulement elle n’était pas tombée éperdument amoureuse de lui, sans se soucier de ses études, de ses besoins, de sa famille et de la prudence… sans se soucier des conséquences…
    
    Si seulement elle avait trouvé en elle assez de force pour aller jusqu’au bout…
    
    Mais avec des si, on pourrait refaire le monde, pourvu qu’il soit bâti de châteaux en Espagne…
    
    Liana secoua la tête, comme pour envoyer balader le brûlant sujet de sa faiblesse. Faible, oui elle l’était, mais elle s’était jurée que ça n’allait pas durer… Il suffisait simplement qu’elle s’occupe, qu’elle fasse ce qu’elle avait envie de faire, et surtout, qu’elle ne s’emmêle plus les pinceaux en débarquant dans la vie d’un inconnu dangereux et détestable. Tant qu’elle garderait ses distances avec lui, les choses se passeraient bien, c’était une certitude…
    
    Et pourtant, le pinceau s’arrêta au milieu de la ligne qu’elle esquissait, tandis que Liana sentait son esprit se brouiller à la pensée de l’écrivain. Elle revoyait comme dans un vieux film en technicolor les différents moments qu’ils avaient partagés, son regard pétillant derrière ses lunettes carrées, son sourire un peu crispé, comme s’il hésitait toujours à s’y risquer.
    
    Elle entendait à nouveau toutes ces paroles si simples et si gentilles qu’il lui avait promulguées, ...
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