1. Vraimodo


    Datte: 28/12/2019, Catégories: fh, amour, Auteur: Guust, Source: Revebebe

    ... tourne vers moi, puis fait poliment un signe de tête. Elle ne doit pas me remettre, accoutré comme je suis, avec mes fringues colorées et mon bonnet entassé jusqu’aux sourcils. L’autre, par contre, la sœur aveugle qui lui tient le bras, me lance un :
    
    — Bonjour, comment ça va ?
    — Bien, bien, je fais, quand même surpris. Et vous ?
    — Pas mal, merci.
    
    Un coup de klaxon, le camion qui démarre, alors je bondis, d’une main j’attrape la poignée et me hisse sur le plateau, tandis que de l’autre je fais signe au revoir.
    
    — Bonne journée ! je crie pendant qu’on s’éloigne.
    — Salut ! jette Brigitte en agitant la main.
    
    On s’arrête plus loin pour d’autres sacs.
    
    — Tu les connais ? demande Rachid.
    — Un peu, oui.
    — C’est bizarre, que c’est celle qui voit pas qui te reconnaisse en premier, non ?
    — Oui, c’est bizarre.
    
    *****
    
    Quand on passe dans le quartier, j’espère toujours y voir les deux jeunes femmes, mais un camion-poubelle n’attirant généralement pas beaucoup de monde autour de lui, j’en suis toujours pour mes frais.
    
    — Pourquoi tu reviens pas tout seul, sans le camion ? me demande Rachid, qui s’est aperçu de quelque chose.
    — Pourquoi ? Et pourquoi je devrais revenir, d’abord ?
    — Ben, pour voir tes deux copines.
    — C’est pas des copines, je t’ai dit.
    — Non, et tu les connais pas. Juste un prénom pour deux nanas, je sais. Mais je vois bien que tu les cherches quand on passe par ici.
    
    Je dois bien reconnaître que oui.
    
    — On sait même pas si elles crèchent ...
    ... dans le quartier. C’est peut-être un hasard de les avoir croisées l’autre jour.
    — Tu sais quoi ? fait Rachid en envoyant un sac dans la benne. Tu reviens, et tu demandes aux deux ou trois commerçants. Le boulanger et le boucher les connaissent peut-être, non ?
    — Ouais. Je vais chez le boulanger et je demande : « vous connaissez pas deux jeunes femmes, une est aveugle et se déplace avec sa sœur qui s’appelle Brigitte ? ». C’est ça ?
    — Ben, ouais.
    
    J’ai un rire cynique.
    
    — T’as pas vu la gueule que j’ai ? Tu veux qu’on appelle les flics directement après que j’ai posé la question ?
    — Tu veux que je demande pour toi ?
    — Toi ?
    
    Rachid me regarde par-dessous.
    
    — Je sais ce que tu penses, va !
    — Je pense rien.
    — Si. Tu penses qu’un Marocain ou un moche, c’est pareil, et qu’on va se méfier. Moi j’ai le profil du voleur, toi celui du violeur.
    
    Il rigole.
    
    — On est des parias. Des rejetés.
    
    On entend une grosse voix qui nous interpelle :
    
    — Dites, les pipelettes, vous grimpez sur le camion ou je démarre et vous suivez au pas de course ?
    
    Jerzy met les gaz au moment où on grimpe, et on doit s’accrocher ferme pour ne pas être éjectés. Pendant le reste de la journée, je pense à ce que Rachid m’a dit de faire, et le samedi, je me décide. Je m’habille correctement après m’être lavé encore plus soigneusement qu’à l’ordinaire, et je prends le bus jusqu’au quartier résidentiel. Je déambule dans les rues, l’après-midi. Il fait sec, mais plutôt frais, et les passants sont ...
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