1. Vraimodo


    Datte: 28/12/2019, Catégories: fh, amour, Auteur: Guust, Source: Revebebe

    ... Rachid, on le surveille. C’est aussi pour ça que Jerzy la ferme : il a peur qu’on sente son haleine. Surtout Rachid, qui ne boit jamais d’alcool, religion oblige.
    
    Le Marocain et moi, ça marche pas mal, en fait. Il ne serait pas musulman, peut-être qu’on serait copains comme cochons. Mais on est fort différents : la race, la culture, la religion, la famille… Moi, je suis seul et moche. Rachid n’est pas spécialement beau – bien que comparé à moi ce soit un adonis, mais il a de la famille. Un frère qui bosse aux poubelles lui aussi, une sœur qui nettoie des bureaux le soir et le benjamin qui glande. Il a également une paire de cousins qu’il fréquente assez peu parce que, d’après lui, ils feraient plutôt dans le genre dealer.
    
    Moi, je suis désespérément seul. Seul dans un appartement minable, dans un quartier minable, entouré de gens minables que je ne connais pas et qui de toute façon m’évitent. J’habite là depuis que je bosse pour la société de ramassage d’immondices. Avant, j’étais dans une maison d’accueil pour ados où j’avais été placé parce que ma mère s’était tirée à l’étranger et que mon père s’était tiré une balle dans le crâne. Il avait pourtant une tête pas trop moche, mon père, mais certainement un peu pourrie à l’intérieur.
    
    Moi, je ne sais pas trop ce que vaut l’intérieur, mais l’enveloppe est à faire fuir. Je suis le genre de gars que les autres regardent en douce, avec des yeux fuyants. Il n’y a que les gosses pour me dévisager. Ils sont cruels, les ...
    ... mômes. Ils me font mal. Ils m’examinent, puis posent des questions à leurs parents, qui les grondent à voix basse. Je devine les « chhht », les « oui, mais tais-toi ». Et les bambins continuent néanmoins, avec leurs prunelles innocentes, à mémoriser mes tares physiques pour pouvoir s’offrir des heures d’insomnie et des cauchemars immondes. J’exagère peut-être, mais pas tellement.
    
    Quand ils sont loin de moi, les mamans disent alors : « tu vois ce qui arrive quand on fait des grimaces devant la glace ? ». Ou alors « quand on n’est pas sage », « quand on se tient mal à table et qu’on ne mange pas sa soupe », « quand on refuse de se brosser les crocs… ». Les gens sont méchants, même ceux qui essaient d’être gentils. Ils disent : « c’est vilain de se moquer » ou « ce n’est pas de sa faute s’il est comme ça, ce monsieur ». Ils ont pitié. Mais je n’en veux pas, de leur pitié. Elle pue l’hypocrisie. Moi, je dirais : « pas de pitié pour les pauvres, juste un peu d’argent ; pas de pitié pour les malheureux, juste un peu d’affection ; pas de pitié pour les malades, juste de quoi guérir. ». On ne guérit pas avec de la commisération.
    
    — Toi, t’es un remède contre l’amour, m’a dit un jour une demoiselle que j’avais eu l’audace d’approcher.
    
    Elle était plutôt moche, pourtant. Une fille que la nature n’avait pas favorisée. Personnellement, jusqu’alors, je croyais que la nature ne m’avait pas gâté, ou qu’elle m’avait carrément oublié, mais c’est Jerzy qui m’a fourgué le scoop :
    
    — La ...
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