Vraimodo
Datte: 28/12/2019,
Catégories:
fh,
amour,
Auteur: Guust, Source: Revebebe
... rares. Je vais au hasard, sans parler à personne, sans oser entrer dans une des rares boutiques. Ce que je fais est idiot. Je pourrais tourner là pendant des heures sans rien apprendre d’utile, si je ne me décide pas à poser de question.
J’arrive devant une boulangerie et hésite à entrer, regardant les petits gâteaux derrière la vitrine. Oserais-je interroger la vendeuse ? Mon délit de sale gueule me tétanise. Je fais un pas vers la porte, et c’est au moment où je me résigne et m’apprête à faire demi-tour que mes yeux tombent sur l’affiche collée contre la porte vitrée. Un simple feuillet, avec un texte et une photo, annonçant un spectacle musical.
Je me sens pris de vertige, rien qu’en regardant l’image : une jeune femme assise au piano, et une autre debout jouant du violon. En dessous, un texte annonçant un concert, le lendemain soir au « foyer culturel », de mesdemoiselles Brigitte et Yolande Marquet.
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Un autre que moi aurait sans doute tenté de se glisser dans les tout premiers rangs, mais je suis resté dans le fond de la petite salle, et j’ai suivi tout le spectacle discrètement mais attentivement. Je devrais dire « concert », plutôt que « spectacle », mais pour moi c’en était un. Autant que la musique qu’elles produisent, la présence et l’allure de ces deux femmes exercent sur moi une sorte de fascination.
N’étant pas particulièrement mélomane, j’ai apprécié de disposer d’un petit feuillet où était inscrit le programme de la soirée, et découvert ...
... avec plaisir que le premier morceau qu’elles ont joué était une sonate de Janacek. Un compositeur dont le nom ne me disait rien, mais dont l’œuvre présentée m’a charmé, envoûté même. Entendre et voir Brigitte et Yolande dans l’exercice de leur art était pour moi source de joie et d’émotion. J’ai découvert les gestes vifs et gracieux de Brigitte, sa silhouette mince encore accentuée par une longue robe noire en étoffe soyeuse, la caresse de l’archet sur les cordes, l’expression de son visage avec les yeux qui parfois se ferment et la joue qui semble faire corps avec l’instrument ; la discrétion de Yolande, vêtue de noir également, se balançant en douceur tandis que ses mains papillonnent sur le clavier, avec sa bouche qui s’entrouvre ou ses lèvres qui se pincent, avec ses froncements de sourcils et sa tête qui parfois se renverse doucement vers l’arrière quand elle lève vers le ciel ses yeux qui ne voient pas… et toutes ces choses qui font que la musique devient magie quand elle est interprétée avec talent et maîtrise. « Comme ça semble facile, quand c’est bien fait », est l’idée qui m’est venue à l’esprit en ces instants.
Puis Yolande est restée seule au piano, interprétant deux valses et un scherzo de Chopin (un nom qui cette fois m’était plus familier), et ce furent pour moi d’autres minutes de grande émotion. La jeune femme semblait transportée par la musique, loin de tout ce qui l’entourait, et j’aurais voulu l’accompagner dans son voyage. Lorsque Brigitte est revenue, et ...