Vraimodo
Datte: 28/12/2019,
Catégories:
fh,
amour,
Auteur: Guust, Source: Revebebe
... tranquille, pour ne pas me laisser harceler. Il y a longtemps que je ne fais plus de paris sur l’avenir.
*****
J’ai loupé deux journées de boulot, et pour une fois, Antonio m’a engueulé. Sans doute que l’hôpital l’avait mis au courant.
— Fais plus ça, Gaston ! T’as compris ?
— Oui, j’ai compris.
Alors, je file doux. Bizarrement, pour un qui essaie d’en finir, ça ne devrait rien lui faire de perdre son job, puisque de toute façon, ce qui l’intéresse c’est de se faire sauter le caisson, mais quelque chose me retient. La leçon que j’ai prise, avec l’aveugle et sa frangine, probablement.
La vie reprend, morne, désespérante, ni pire ni meilleure qu’avant. C’est juste plus calme, maintenant que la mauvaise saison s’installe. Même Jerzy ne me lance plus de vannes, peut-être parce que si je passais l’arme à gauche, ça l’empêcherait de dormir pendant au moins dix minutes.
Aujourd’hui, avec Rachid, on est dans notre tournée des quartiers bourgeois, comme on les appelle. Si on excepte quelques petits commerces de proximité, c’est rien que du résidentiel. Ce n’est pas tellement bourgeois, en réalité, mais comparées à ma résidence, ces maisons sont des palaces. Des rues propres, avec pas trop de poubelles qui débordent, pas trop de sacs éventrés. Assez bien d’arbres, aux feuilles multicolores, qui tombent les unes après les autres sur les larges trottoirs et finissent dans les caniveaux. On passe devant une boulangerie. J’aime bien les boulangeries, j’aime bien ...
... l’odeur du pain frais. Bizarre aussi, ça, pour un mec comme moi. Le pain, c’est la vie, et je n’ai pas tellement goût à la vie. Je ne cherche même plus à comprendre.
Hier, je suis retourné chez le psy. Il ne peut rien pour moi, mais ça leur fait du bien de penser le contraire, à tous ceux qui voudraient que je m’en sorte sans vraiment me donner un coup de pouce. Il faudrait me refaire la tronche, en fait, mais c’est davantage de l’ordre du ravalement de façade que de la chirurgie esthétique, et j’ai quand même pas le blé pour me payer l’un ou l’autre de ces traitements.
— Tu prends ceux-là ? me lance Rachid en désignant une pile de sacs, sur le trottoir d’en face.
— Ouais.
C’est près d’une boucherie. C’est sans doute pour ça qu’il se méfie, lui, des fois qu’il y aurait une tête de porc planquée dans le sac et prête à le mordre. Je descends du marchepied et traverse. Mécaniquement, j’empoigne les poubelles et je les ramène dans la benne. Gestes cent fois répétés. Au début, je ne sentais plus mes bras à la fin d’une journée, mais maintenant je suis blindé. Au moment de remonter à l’arrière du camion, je m’arrête au milieu du chemin.
— Tu viens ? s’impatiente Rachid.
Il a déjà le doigt sur le bouton, pour donner le signal à Jerzy, mais je ne bouge pas tout de suite. Sur le trottoir, deux jeunes femmes viennent dans ma direction. Je les reconnais instantanément, et ça me fait un choc.
— Bonjour ! je lance en grimaçant un sourire.
Celle qui s’appelle Brigitte se ...