Vraimodo
Datte: 28/12/2019,
Catégories:
fh,
amour,
Auteur: Guust, Source: Revebebe
... houspille, et j’attends tranquillement qu’elle termine son sermon.
— Merci pour la leçon, dis-je alors qu’elle se tait dans l’attente de ma réaction.
— J’ai risqué ma vie, pour vous sortir de là.
— Merci aussi pour ça, mais je ne vous demandais rien.
— Je sais, mais ce n’est pas une raison.
— C’est facile de faire la leçon. Moi, je suis seul, je suis laid, et je ramasse les poubelles. Vous croyez que c’est facile, la vie, quand personne ne veut de vous ? Tout le monde me fuit, et je devrais être gai comme un pinson ?
Elle me fusille du regard.
— Arrêtez de dire des bêtises ! Ma sœur a eu très peur, quand je l’ai laissée en plan sur la berge pour aller vous repêcher. Elle pensait que je n’allais pas revenir. Que j’allais me noyer en tentant de vous sauver !
Je garde le silence, regardant la deuxième visiteuse que mon interlocutrice vient de me désigner. Elle ressemble à sa sœur, incontestablement, mais en plus discret, plus effacé. Sa silhouette est moins légère, sans être empâtée pour autant ; ses cheveux noués sont tout aussi lisses mais plus longs, et ses traits moins fins. Quant à ses yeux, je n’en vois rien que des paupières plissées sur deux étranges fentes. Des yeux qui ne voient pas.
— Imaginez sa frayeur, quand je l’ai laissée seule. Comme je ne revenais pas, parce que le courant nous avait entraînés plus loin et que je cherchais un emplacement de pêcheur pour pouvoir remonter, elle a commencé à hurler, alors des gens ont entendu et sont venus ...
... nous aider.
Pendant qu’elle parle, je vois sa sœur qui ouvre la bouche, qui dit quelque chose, mais je n’entends pas, et elle non plus apparemment. Alors, l’aveugle répète :
— Ne parle pas comme ça, Brigitte.
— Imaginez son angoisse, quand elle s’est trouvée seule, ignorant tout ce qui…
— Brigitte !
La voix s’est faite plus aiguë, alors la sauveteuse se tait, soudain alarmée, et se tourne vers sa sœur.
— Oui ?
— Ne parle pas comme ça.
— Monsieur doit comprendre.
— Il a compris, je crois.
L’aveugle avance de deux pas, sa main tendue atteint le pied du lit, puis effleure les draps. Alors qu’elle s’approche de moi, ses doigts trouvent mon bras, remontent jusqu’au-dessus du coude.
— N’est-ce pas ?
Sa voix est calme, apaisante. Je me sens mal à l’aise, avec cette main qui se crispe sur mon bras et ces yeux vides tournés vers moi. Ils ne voient pas, mais c’est comme s’ils me regardaient.
— Oui, oui, ne vous en faites pas, je marmonne.
La jeune femme reste là et je n’ose remuer, tant cette présence soudain insistante me fascine et m’effraie.
— Je… je ne ferai plus ça, dis-je.
— Promis ?
— Promis.
Elle s’écarte de moi, rejoint sa sœur, au bout du lit, puis elles s’en vont toutes deux, Brigitte montrant le chemin et l’autre lui tenant le bras. J’ai fait une promesse sans réfléchir, en regardant une jeune femme aveugle, en sentant sa main posée sur mon bras. Je ne sais pas si j’ai fait ça par conviction. Je l’ai plutôt fait par crainte, pour être ...