1. Vraimodo


    Datte: 28/12/2019, Catégories: fh, amour, Auteur: Guust, Source: Revebebe

    ... célèbre Toccata et fugue de Bach, bien sûr, et puis l’Adagio pour cordes et orgue, d’Albinoni, lorsque ma sœur sort son violon. Mais je joue aussi d’autres choses…
    
    Elle change rapidement de place, met l’instrument sous tension et manœuvre les tirettes avec dextérité pour obtenir la sonorité de son choix.
    
    — Ceci, par exemple…
    
    J’entends et reconnais immédiatement les premières mesures de « Ode to Billie Joe ». Yolande imprime un groove terrible au morceau, à l’aide du pédalier et de la rythmique de la main gauche sur le clavier du bas, tandis que la droite joue en haut la mélodie. Je suis emporté par la musique. Les sonorités me prennent aux tripes. Le spectacle des mains de Yolande sur les touches nacrées, le ballet de ses sandales dorées sur les basses et la pédale d’expression, son corps qui se balance devant l’instrument… exercent sur moi une totale fascination.
    
    Lorsque la dernière note du morceau s’éteint soudain, nous restons tous deux immobiles et silencieux pendant quelques secondes, goûtant son écho encore présent dans notre mémoire. Puis je me secoue et applaudis chaleureusement.
    
    — Génial ! Vous jouez divinement bien !
    — Je savais que ça vous plairait, Gaston, dit Yolande en glissant sur le siège et en se levant.
    — J’ai adoré. Comment avez-vous deviné ?
    
    Elle est debout devant moi, tout près, et ses mains se posent sur ma poitrine. Ses doigts accrochent les revers de ma veste, comme ils l’avaient fait rapidement le soir du concert à l’hôtel de ...
    ... ville.
    
    — Votre façon de me demander ce que je jouais à l’orgue, la légère altération de votre voix indiquaient l’émotion. J’en ai donc déduit que vous aimez cet instrument. Et puisque le répertoire classique n’est pas votre tasse de thé, c’est sans doute que vous appréciez le jazz, ou le blues.
    — Vous êtes très perspicace.
    
    Ses yeux vides sont levés vers mon visage. Spectacle étrange et troublant. Malgré le peu de lumière baignant la pièce, cette partie du visage de Yolande a quelque chose d’effrayant. Ce n’est pas vraiment laid, mais ce n’en est pas joli pour autant. La proximité du corps de la jeune femme, ses mains sur ma poitrine, son souffle tout proche, me font frissonner. Elle le perçoit instantanément.
    
    — Je vous effraie, Gaston ?
    
    Elle s’est figée, dans l’attente de ma réponse. Pourquoi ai-je peur ? A-t-elle peur de moi, elle ? Forcément, non, puisqu’elle ne me voit pas tel que je suis ! Je m’en veux de ma réaction instinctive.
    
    — Excusez-moi, dis-je. Je… je suis ému.
    
    Je lève une main, timidement, effleure sa taille. La réaction de Yolande est immédiate : elle se serre contre moi, pose sa joue contre mon menton. Je sens la caresse de ses cheveux, ses formes qui se pressent soudain contre moi. Elle lève la tête, ses doigts glissent dans ma nuque, et nous nous embrassons. Maladroitement. Par ma faute, essentiellement, car je n’y connais pas grand-chose, n’ayant guère eu l’occasion de fourbir mes armes. Je serre néanmoins entre mes bras ce corps de femme, un ...
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