Vraimodo - Histoires de Sexe

Vraimodo

... ont suffi à la renseigner. Je lui prends la main, lui glisse le verre entre les doigts. Sa main est douce, mais vive, comme si elle possédait des antennes à chaque doigt. Le moindre objet familier doit être identifié d’un simple effleurement, et saisi de manière adéquate sans une hésitation.

— À votre santé, Gaston.
— À la vôtre, Yolande.

Le vin est délicieux. Je le lui dis, et elle me remercie, puis nous buvons à nouveau.

— Vous vous rendez souvent à des concerts ?
— Jamais, dis-je sans hésiter.
— Vraiment ?
— C’était la première fois, quand je suis allé vous écouter au foyer culturel. J’avais vu l’affiche, et ça m’a intrigué, alors je m’y suis rendu. Votre musique était vraiment très belle.

Yolande sourit.

— Très belle ? L’avez-vous vue se répandre dans l’air ?
— Non, bien sûr, mais…
— La beauté n’est pas que dans les apparences, vous venez de le rappeler. Elle peut être en toutes choses. Dans la musique, dans votre voix…
— Vous insistez.

Cette fois, mon interlocutrice rit franchement. En un geste simple, elle dépose son verre, puis se lève.

— Venez, ordonne-t-elle en se dirigeant vers le piano.

Elle s’assied devant le clavier, en caresse les touches.

— Que chantez-vous sous la douche, Gaston ?
— Mais…
— Ne soyez pas timide.
— Vous voulez vraiment de la pluie avant ce soir ?
— « Raindrops keep falling on my head » ? suggère-t-elle en riant.
— Pourquoi pas « White Christmas », tant que nous y sommes ?
— Oui, pourquoi pas ? Allez-y ...

... donc. Je vous entends déjà.

Je me lance, sans grande conviction :

— I’m dreaming of a white christmas…
— Génial ! m’interrompt immédiatement Yolande. Reprenons avec piano, alors.
— Puisque vous y tenez…

Sans hésiter, elle prend au clavier la tonalité que j’avais choisie, et je massacre tranquillement Bing Crosby. Yolande applaudit avec enthousiasme lorsque j’en termine.

— Franchement, vous trouvez ça bien ?
— Mais oui ! Je vous remercie d’avoir accepté de vous lancer. C’était merveilleux, vous avez une excellente voix.
— Vous êtes indulgente. Honnêtement, je préfère vous écouter.

Yolande rit une nouvelle fois.

— Nous n’en sortirons pas !
— Grâce à vous, j’ai découvert une autre sorte de musique. Le classique, la musique de chambre, ce n’est pas ma tasse de thé, mais vous entendre jouer était un enchantement. La sonate de Janacek est très jolie. Je connaissais un peu Chopin, bien sûr, mais pas de cette façon.
— C’est une question d’état d’esprit, je suppose. Quand on a la tête à quelque chose, ce quelque chose nous touche plus facilement. En venant au concert, vous avez fait abstraction du reste, vous vous êtes trempé dans une ambiance, et la musique vous a emporté.
— Oui, certainement.

Mon regard part vers le Hammond tout proche. Un instrument qui me fascine. Je me prépare à demander à la jeune femme si elle en joue également, mais la réponse est tellement évidente que j’en change la formulation :

— Que jouez-vous à l’orgue ?
— C’est très varié. La ...