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Rites, moeurs et aventures d'un monde lointain - II
Datte: 13/12/2025, Catégories: #recueil, #chronique, #merveilleux, #conte, conte, Auteur: Samir Erwan, Source: Revebebe
... cuisses. Elle pensa à Elaya. À Tovan. Et elle sourit. * IX – Les Cales de l’Hirondelle Noire (Raconté par un vieux marin édenté, qui jure que Micha n’a plus jamais regardé les chaînes de la même façon depuis cette nuit.) Micha avait dix-sept ans, pas un jour de plus. Elle portait encore des bottes trop grandes, volées à un soldat ivre. Elle avait les cheveux longs, noués avec une corde de lin. Et son épée – fine, courbe, d’un métal noir – ne quittait jamais sa hanche. Elle la caressait plus souvent qu’elle ne dormait. Ce jour-là, elle avait rejoint une petite bande de coupe-jarrets affamés : trois hommes, deux femmes, un plan foireux. Leur cible : un navire à l’ancre,l’Hirondelle Noire, riche marchand venu de Shem, plein de soieries, de denrées, et d’épices. Et peut-être, murmura-t-on… d’or. Vadrel, le chef de leur petit gang, avait dit : — Je te jure, et dans les cales, y aura ce qu’il y a de mieux ! Ils abordèrent à la nuit. Silencieusement. Par surprise. Les gardes du marchand furent égorgés sans bruit. Le pont fut pris. Les cabines fouillées. Quelques bijoux. Des coffres. Rien de fou. Mais Micha, elle, fut attirée par la trappe de la cale. Elle descendit seule, la torche à la main. Et là… elle découvrit ce qu’aucun des autres ne vit. Les cales étaient pleines. De corps. Pas morts. Pas encore. Des captifs. Des hommes et des femmes, à demi nus, enchaînés les uns aux autres, assis dans la paille humide. Leurs yeux grands, vides. Certains la ...
... regardèrent sans espoir. D’autres, en silence. Ils venaient du sud, du désert, d’un village pillé. Ils étaient là pour être vendus. Échangés contre des perles, de la soie, ou des armes. Micha s’arrêta, un long moment. Puis elle recula et remonta alors que le soleil battait le matin au-dessus du pont, large et rouge comme un dieu saoul. Autour de Micha, l’équipage riait. L’un d’eux – Jonn, le balafré – secouait une bourse pleine, les pièces tintant comme des dents arrachées. Une autre, Sorla, s’était couchée sur un tonneau percé, la bouche pleine de vin volé, le regard déjà flou. Le capitaine, le dénommé Vadrel, comptait les coffres empilés, les doigts rapides, les yeux brillants. Il n’avait pas encore descendu dans les cales. Aucun d’eux, d’ailleurs. Mais Micha, si. Et elle savait. Elle monta lentement. Le pas lourd, les yeux sombres. Ses doigts serraient encore la garde de son épée. Personne ne le remarqua son retour de suite, son changement d’humeur. Vadrel levait déjà la voix pour annoncer la répartition : — Cinquante pour moi ! Quinze pour vous autres ! Micha s’approcha, droite, silencieuse, puis elle s’arrêta derrière lui. Il tourna la tête : — Eh, Micha ! Bien joué, hein ? C’était une belle prise, hein ? Elle ne répondit pas. Elle sortit son épée. Il n’eut pas le temps de cligner des yeux. Elle le tua, d’un seul coup. La lame traversa sa gorge de part en part. Un jet chaud éclaboussa le pont. Il n’eut même pas le temps de hurler. Ses yeux s’arrondirent ...