1. Rites, moeurs et aventures d'un monde lointain - II


    Datte: 13/12/2025, Catégories: #recueil, #chronique, #merveilleux, #conte, conte, Auteur: Samir Erwan, Source: Revebebe

    ... jambes écartées, les doigts crochus sur la pierre, en sueur, le ventre noué. Ce fut une fille.
    
    Une femme-loup, déjà à moitié transformée, les yeux d’ambre, les crocs apparents, une touffe de poils noirs à la naissance de la colonne. Micha la lava dans un ruisseau, la serra contre son sein, puis l’enroula dans sa cape. Elle ne l’aima pas. Mais elle la reconnut.
    
    Elle porta l’enfant jusqu’aux montagnes, là où vivaient les siens. Les vrais. Les Loups.
    
    Au cœur d’un palais de pierre humide, de peaux, de chants rauques, le Roi des Loups l’attendait. Immense. Ancien. Magnifique. Une fourrure sombre, des muscles hurlants, des yeux rouges et une odeur âcre. Micha en avait gardé le souvenir. Micha souleva son enfant-loup entre ses mains et l’offrit au Père. Un rictus sur ses mâchoires. Le Roi-Loup parlait peu, mais ses yeux savaient. Il vit l’enfant. Il vit Micha.
    
    Le Père de l’enfant-loup fit un signe à Micha. Celle-ci hocha la tête, feignant la soumission. Elle le suça dans la pénombre, agenouillée sur une peau de bête, ses mains griffant ses cuisses poilues, sa bouche pleine de chaleur et de menaces. Il jouit dans sa gorge, les doigts crispés dans sa chevelure. Il dormit. Confiant.
    
    Micha, nue, silencieuse, sortit sa lame et lui coupa la gorge d’un seul geste. Le sang jaillit comme un vin noir, éclaboussant le sol.
    
    Elle laissa l’enfant au Temple des Louves, là où les filles aux crocs vénèrent la nuit, la force, la naissance et la mort.
    
    — Elle est à vous. Elle est à ...
    ... elle-même. Elle n’est pas à moi.
    
    Puis Micha repartit. Sans se retourner.
    
    On dit que la fille grandit vite. Qu’elle danse nue sous la pleine lune. Qu’elle baise avec fureur et mord avec passion. Qu’elle ne dit jamais « mère ». Mais que parfois, quand elle sent l’odeur du cuir battu et de la sueur d’épée… elle sourit.
    
    *
    
    VII – La Conseillère
    
    (Raconté par une prêtresse d’Ashur qui n’ose plus s’asseoir sans grimacer.)
    
    C’était au début. Micha avait une vingtaine d’années, peut-être moins. Elle portait déjà son regard insolent, son épée toujours au côté, et sa fameuse queue de cheval noire, si longue qu’elle traînait parfois dans la poussière, comme un étendard personnel.
    
    Elle chevauchait seule, les cuisses nues, le dos droit, le corps brûlant de cette énergie inextinguible qu’ont les jeunes qui ont déjà vécu trop vite. Elle dormait à la belle étoile, baisait qui lui plaisait, frappait qui l’ennuyait, et fuyait tout ce qui ressemblait de près ou de loin à une attache.
    
    Un matin, alors que la brume s’accrochait encore aux feuillages, elle aperçut un arbre étrange, perdu dans une clairière. Immense, noueux, l’écorce brillante d’une sève opaline. Il dégageait une chaleur sourde. Et de ses branches pendaient… eh bien… des formes.
    
    Des rameaux longs, courbés, durs à la base, souples à la pointe. Un véritable verger de godes naturels. Micha éclata de rire.
    
    — Par les tétons glacés d’Ishtar, c’est quoi ce truc ?
    
    Elle descendit de cheval, toucha l’écorce. Elle ...
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