1. Revendication de l'Aube


    Datte: 01/12/2025, Catégories: #société, #policier, fh, Auteur: Samir Erwan, Source: Revebebe

    ... privé sur la terrasse du dernier étage. Des chandeliers suspendus, du jazz feutré, des coupes de champagne remplies sans fin. J’étais là, bien sûr. Toujours en noir et blanc.
    
    Invisible. Irritant d’efficacité. Je l’ai vue danser avec Roth. Lentement. Elle le laissait guider, mais ses hanches menaient. Et lui, fier, idiot, la tenait par la taille comme un homme qui pense avoir conquis quelque chose.
    
    Je passais à côté d’eux, un plateau de coupes à la main, les épaules basses, l’allure invisible. Et là, elle a tourné la tête. Un infime mouvement, fluide, comme porté par la musique. Ses yeux ont croisé les miens. Ses yeux sont noirs, profonds, sans fond, traversés par une lueur fauve quand la lumière les accroche. Une seconde. Pas plus. Mais ce n’était pas un hasard. Ce n’était pas un de ces regards vides qu’on lance au personnel comme à un meuble bien rangé. Non. C’était précis. Conscient. Pas un sourire. Pas un mot. Juste un battement de cils plus lent. Un frémissement au coin de la bouche. Un souffle de pensée qu’elle ne disait pas.
    
    Et j’ai senti quelque chose me traverser. Un frisson, une décharge, un soupçon : et si elle jouait ? Et si tout ça – la robe, la main de Roth dans son dos, les rires discrets, les dîners, les silences – n’était qu’un écran ?
    
    J’ai continué mon chemin. Rien dans mes gestes ne trahissait l’impact du coup d’œil. Mais en moi, le doute. J’ai peut-être seulement cru qu’il y avait quelque chose. Ou c’était juste la manière dont elle portait ...
    ... cette robe. Cette foutue robe qui remontait sur sa cuisse quand elle tournait. Cette bouche qu’elle ne donnait qu’à Roth – et que je rêve d’atteindre du bout des lèvres. C’était peut-être juste mon désir qui présumait…
    
    Je l’ai regardé danser un peu trop longtemps. Le plateau commençait à peser dans mon bras. J’avais chaud. Et ce n’était pas la faute des lustres. C’était elle. Encore elle. Toujours elle.
    
    *
    
    La nuit suivante. Je n’ai pas entendu la porte. Je n’ai pas entendu ses pas. Mais je savais qu’elle viendrait. Pas ce soir forcément. Mais bientôt. Elle m’avait laissé un regard, non ?
    
    Et elle était là maintenant, dans l’encadrement de ma chambre de douze mètres carrés. Silhouette découpée par l’ombre, robe noire à peine attachée, cheveux remontés avec quelques mèches tombantes. Pieds nus. Pas maquillée. Pas besoin. Elle n’avait pas frappé. Et moi, je n’avais pas bougé. Je me suis redressé lentement sur la chaise. Mon cœur cognait. Pas de peur. Pas de haine. Quelque chose de plus ancien. Plus physique.
    
    Elle a avancé. Deux pas, sans un mot. Ses yeux noirs plantés dans les miens, et je n’ai pas pu détourner.
    
    Elle est venue jusqu’à moi. Trop près. Son odeur était sèche et chaude. Quelque chose d’épicé. J’ai senti le piège se refermer, doucement, sensuellement.
    
    Elle m’a saisi par la chemise, m’a plaqué contre le mur. Pas violemment. Mais fermement. Son corps tout contre le mien. La courbe de ses hanches, le tissu fin, l’éclat de chaleur là où nos peaux ne se ...
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