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Revendication de l'Aube
Datte: 01/12/2025, Catégories: #société, #policier, fh, Auteur: Samir Erwan, Source: Revebebe
... Personne ne crie. Ils marchent. Et chaque pas efface une frontière. Je reconnais des visages. Des regards. Des anciens qui m’avaient nourri. Des jeunes qui avaient grandi sans mer. Ils reviennent. Non pas pour se venger. Mais pour reprendre. Ce qui était à eux. La plage est devant. Le sable est tiède sous mes semelles. Et je retire mes chaussures. Je les laisse là. Comme un témoin. Comme un exil terminé. Sahar fait de même. On marche vers l’eau, ensemble. Derrière nous, le palace s’efface dans la lumière du matin. L’aube, enfin, nous appartient. * Le peuple revient, les pieds dans le sable et les chants dans la gorge. Mais parfois, ceux qui marchent, les poings levés, ne voient pas qu’on les pousse dans le dos. Et je me demande malgré tout : et si la foule n’était que le porte-voix d’intérêts mieux déguisés ? Et si on n’était que des silhouettes déplacées sur une scène qui n’a jamais été à nous ? Je réfléchis à tout ça, un peu lucide malgré tout, puis me tourne vers Sahar. Sahar se tient face à la mer, le dos droit, les pieds nus dans le sable encore frais. Le vent s’est levé doucement et il joue avec elle comme s’il la connaissait. Sa robe, fine et ouverte, claque doucement contre ses cuisses. Par ...
... moments, le tissu s’écarte, révèle la ligne pleine de sa hanche, la cambrure de son dos, le galbe discret d’un sein. Mais jamais tout à fait. Comme si même le vent n’osait vraiment la dévoiler. Ses cheveux, noirs et lourds, s’envolent dans toutes les directions, puis retombent autour de son cou, comme des lianes vivantes. On devine sous la lumière rasante la tension des muscles dans son dos, le creux net de ses omoplates, la souplesse longiligne de ses jambes. Un corps souple, fauve, dressé. Elle ne parle pas. Son silence est plus vaste que l’horizon. Et dans ce vent, dans cette lumière dorée qui la sculpte à chaque seconde, elle semble intouchable. Puis, lentement, elle tourne la tête vers moi. Son regard noir, profond, dense ne me cherche pas : il me trouve. Et dans ce regard… je lis autre chose. Un éclat. Infime. Malicieux. Troublant. Un frisson au coin de ses lèvres. Un sourire qui ne monte pas jusqu’aux joues. Un geste infime de la paupière. Une façon de me dire sans mots : « Je vous ai amenés jusqu’ici. Peut-être pour vos rêves. Peut-être pour les miens. » Et moi, je reste là. Debout. Le sable sous mes pieds. L’aube sur nos épaules. Et je doute. Je doute. Et pourtant, je ne bouge pas.