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Revendication de l'Aube
Datte: 01/12/2025, Catégories: #société, #policier, fh, Auteur: Samir Erwan, Source: Revebebe
... Cette assurance, cette sensualité maîtrisée… Décidément, cette Sahar est une beurette qui a réussi. Une de celles qui ont su s’extraire de leur monde, qui ont appris à parler la langue du luxe, à marcher dans des cercles où l’on ne les attend pas. Elle est l’exception, celle qui prouve que tout est possible, que le mérite existe. Cette pensée conforte Axel dans ses certitudes. Certains naissent dans la misère et s’y complaisent. D’autres choisissent de s’élever. Sahar, elle, elle a choisi. Il ne sait rien d’elle, mais il sait déjà qu’elle n’est pas comme les autres. Il suffit de voir comment elle se tient, comment elle accepte son corps, comment ses seins vacillent fermement dans sa tenue légère, comment elle croise les jambes, comment elle le regarde, sans crainte ni soumission. Elle sourit, comme si elle devinait ses pensées. Ou que moi, je devine les siennes. Car, depuis leur rencontre, je les observe. Je suis resté en retrait, près de la rambarde, le torchon sur l’avant-bras, invisible, comme toujours. Ils ont parlé. Longtemps, trop longtemps. Je ne captais pas tout, mais je voyais les signes. Elle souriait peu, écoutait beaucoup, les jambes croisées vers lui, les mains langoureuses, le regard actif. Et Roth, l’homme qui parle plus qu’il n’écoute, se penchait vers elle comme un collégien sous le charme de sa prof de piano. Je l’ai haïe un peu, à ce moment-là. Parce que je savais ce qu’elle était. D’où elle venait. Elle était des nôtres. Elle avait connu la ...
... poussière, les rationnements, les cris. Elle savait ce que signifiait vivre en marge, dans l’attente, dans la peur. Et pourtant, la voilà en train de le séduire. Ils sont partis ensemble, lentement, comme si rien n’était pressé. Elle lui a pris la main. Et là, j’ai senti la morsure. Traîtresse, me suis-je dit. Et je suis retourné au bar, le cœur raide, les dents serrées derrière mon sourire impeccable. * Je suis né loin de la terre qui aurait dû être mienne, dans un camp de réfugiés de fortune, étouffé par des rafales de poussière et de résignation. Ma première maison n’avait pas de murs, seulement des toiles fatiguées battues par le vent, que l’on repliait à chaque exode. Mon premier cri s’est perdu dans le tumulte d’un peuple errant, un peuple qu’on voulait faire taire, qu’on voulait faire disparaître. Mes parents ont tout laissé derrière eux, une maison, un champ, un passé, avec la promesse qu’un jour, ils reviendraient. Mais ils ne sont jamais revenus. Mon père, un ancien instituteur, racontait des histoires le soir, des récits de batailles et d’aubes qui finissent toujours par se lever. Il m’a enseigné les mots avant même que je ne sache marcher. « Parce qu’on peut te prendre une maison, un pays, mais pas un poème », me transmettait-il. Ma mère, elle, n’a pas eu cette chance. Un raid. Une attaque au petit matin. Je me souviens de ses bras autour de moi quand ils ont tiré. Je me souviens du bruit sec, du chaos, de l’instant où son corps s’est effondré sur ...