1. Une illusion parfaite par Christine François-Kirsch


    Datte: 27/08/2019, Catégories: Entre-nous, Les femmes, Auteur: Mia-michael, Source: Hds

    ... très intelligente et intuitive, que quelque chose clochait dans son chemin. Que quelque chose manquait. Fataliste, parfois même déterministe, elle pensait un peu paresseusement que ça n’était pas si grave. Le vernis avait certes déjà craqué, mais elle pensait que son rafistolage était bien suffisant pour tenir le choc sur la durée.
    
    Elle me le raconta des mois plus tard, mais sa rencontre avec moi avait provoqué une forme de basculement. Tout en douceur vu de l’extérieur, mais une véritable révolution intime. Je lui parlais de ma façon de vivre, de voir les choses, les gens, de choisir.
    
    Alors, nous parlâmes. Pourquoi elle était devenue médecin et moi conseil en communication ; puis pourquoi je voulais évoluer vers autre chose. Notre jeunesse ; notre enfance ; nos amours, mais pas toutes me concernant, pas question de choquer, déjà et si vite, cette bourgeoise. ; notre appréhension du couple et de la vie à deux ; l’enfant, la mienne, et l’absence de lignée chez elle, un sujet vite évacué ; nos voyages, nos goûts musicaux, culinaires. Nos caractères, ce qui nous faisait rire, ce qui nous attristait. Nos années de fac, nos vieux gringues, nos bringues, les miennes actuelles, les siennes anciennes ; ce que nous avions fumé étant jeunes. Bu aussi. Notre été passé, quelques blessures, quelques souffrances physiques qui en disaient tant sur notre psychologie respective. Nos opinions politiques, notre premier vote, notre dernier vote, le vote prochain. Le sport, que moi ...
    ... j’avais pratiqué avec assiduité et pratiquais toujours mais moins régulièrement tandis qu'elle, se contentait d'un coach sportif à la maison, pratique dont elle avait un peu honte...
    
    Nous avions beaucoup ri, c’était tendre, pour laisser à bonne distance la tension charnelle qui était née entre nous. Nous nous étions regardées abondamment, presque contemplées. Sans essayer d'impressionner l'autre, nous avions instinctivement confié déjà des éléments intimes de notre personnalité. Nous avions laissé peu de place aux silences. Pressées, très pressées. Comme si une avidité nous avait prises par surprise.
    
    Nous étions incroyablement différentes, sur notre passé, nos aspirations, notre façon de voir la vie et de la vivre. Et pourtant, nous nous accordions comme par miracle.
    
    Il nous avait fallu parler et parler encore. Nous n’arrivions pas à mettre fin à ce premier déjeuner. A ce déjeuner initiatique. Je l’écoutais, vraiment : elle aimait visiblement beaucoup me parler. Ce fut immédiat. Je compris qu’elle craignait les moments de silence, même fugaces. Avec le temps, les années même, je lui apprendrais à moins les redouter. Et je les provoquerai, pour installer des regards, des effleurements de nos peaux, entendre sa respiration et moi la sienne et elle la mienne et installer parfois même des sourires gênés. Déjà, Francesca se noyait dans mon regard et dans ce désir que je n’identifiais pas bien. Elle était en terrain cependant inconnu. Car je ne la draguais pas ouvertement, mais ...
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