1. Une illusion parfaite par Christine François-Kirsch


    Datte: 27/08/2019, Catégories: Entre-nous, Les femmes, Auteur: Mia-michael, Source: Hds

    ... confidences, d'histoires, d'anecdotes. Nous commandâmes, en nous rendant compte que nous aimions les mêmes choses. Nous prîmes un peu de vin. Francesca commença à parler. De ses problèmes de couple, dont elle ne semblait pas savoir comment se sortir. En avait-elle envie ? Pas sûr.
    
    D'abord, j'avais eu du mal à placer un mot, trop nerveuse. Et puis, j’avais envie de l’écouter. Mon expérience des hommes me faisait tenir une attitude presque passive. La règle du jeu, avec eux, c’était de les faire parler, leur poser des questions, montrer un véritable intérêt pour leurs histoires.
    
    Je m’apercevais avec Francesca que les femmes n’étaient pas vraiment différentes des hommes. En tous les cas, celle-là. Quelques gorgées de vin m'aidèrent, et je profitais de les sentir couler dans ma gorge pour me détendre. Je ne voulais pas que Francesca s'aperçoive de ma nervosité. Ça aurait été ridicule.
    
    Mais elle aussi était nerveuse. Sa main trembla une première fois quand elle nous versa de l'eau.
    
    — Pardon, je ne sais pas ce que j'ai aujourd'hui, finit-elle par m'avouer en me regardant fixement. Ce n'est pas mon genre
    
    d'avoir la main qui tremble, je vous assure !
    
    Je ris. Elle rit. Elle avait reconnu à demi-mot que ce rendez- vous prenait une tournure étonnante. Je ne le savais pas encore, mais Francesca était le genre de personne à reconnaître à demi-mots. Non pas par hypocrisie, ou par souci d'épargner les autres. C'était pour elle une forme de protection. Ne pas trop se ...
    ... laisser envahir par ses émotions et celles des autres. Ne pas se laisser envahir du tout. Contrôler. Pour éviter le danger.
    
    La discussion s'engagea. J'étais curieuse d'elle, elle l'était de moi. Même si je devais bien reconnaître qu'elle était très centrée sur elle-même. Était-ce de ma faute, à force de lui poser des questions, de la relancer, de vouloir savoir beaucoup très vite ?
    
    Et de me livrer assez peu ?
    
    Ce premier déjeuner répondait pour elle à un besoin qu’elle analysa sérieusement par la suite. C’est ainsi que se passent les rencontres. Les coups de foudre. Bien sûr, ces moments rares traduisent une attirance sexuelle pas toujours consciente. Ils répondent à un besoin. Ils remplissent un vide. Ils alimentent un fantasme. Mais l’accroche se fait sur cette énigme.
    
    Francesca tournait en boucle dans sa vie, tant personnelle que professionnelle. Tout était connu, codé, limité. Je l'avais senti dès notre première conversation téléphonique. Elle ne savait pas ce qu’elle voulait faire, et remplissait d’heures et d’heures de travail son temps. Entourée de tonnes de gens qui eux aussi faisaient semblant d’aller bien, d’autres qui ne cachaient pas leur mal-être, Francesca ne savait pas que l’on pouvait consacrer toute une existence à travailler le désir, à le questionner, le façonner, à se laisser envahir par de fortes émotions. Chez elle, hormis des rencontres parfois brutales avec des hommes, tout le reste était sous contrôle. Mais elle sentait, car elle était finalement ...
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