Le long baiser de Brigitte
Datte: 19/08/2019,
Catégories:
tendresse,
jeunes,
jardin,
amiamour,
Auteur: Zahi, Source: Revebebe
... centre du monde et pense que les objets ont, comme lui, une volonté et une âme. Avec un complexe d’Œdipe stationnaire, il doit encore vouloir niquer sa mère et tuer son père. Et, à la différence d’un petit enfant, il a largement les moyens pour le faire aujourd’hui ! Et s’il ne le fait pas, c’est qu’il y a encore quelque chose qu’elle ne comprend pas très bien, et qu’elle doit encore chercher.
Les réflexions en eaux troubles d’Annie se sont soudain interrompues lorsque, en baissant la tête vers le jardin, elle voit Brigitte tenant Zozou par la main, le pressant de la suivre d’un pas énergique et l’amenant vers la cabane de la chaudière. Elle a failli crier pour les appeler, mais quelque chose l’a retenue. Elle ne sait pas exactement l’origine de cette réticence. Peut-être tout simplement a-t-elle voulu voir où Brigitte allait amener Zozou, et ce qu’elle voulait lui faire ? L’idée d’une intention sexuelle ne lui a effleuré l’esprit que lorsque Brigitte s’est enfermée avec Zozou dans la cabane. D’ailleurs le pauvre Zozou a jeté un regard à Annie en entrant. Il sait qu’elle sait, mais il ne peut rien faire de son savoir ; il l’aura rangé au fond de sa mémoire sitôt à l’intérieur.
Annie est tourmentée : doit-elle laisser faire ? La question est très simple, mais sa réponse est un tiraillement de l’âme et du corps, une foudre en boule, une malédiction divine. Lui revient sur le champ la gueule de la psy, toujours la même, avec ses grandes lunettes aux larges verres qui ...
... font agrandir ses yeux de façon presque comique, avec son front studieux traversé à l’horizontale par une multitude de fleuves sinueux, avec les quelques cheveux qui lui restent à force de se gaver de Freud et de Lacan. Certainement une vierge ou une mal-baisée, une psy à analyser, a-t-elle toujours pensé ! Il lui revient ce qu’elle disait sur la sexualité de Zozou, le fait qu’il soit soumis à d’énormes tensions physiques dues aux pulsions sexuelles qui le tiraillent et qu’il doit d’une façon ou d’une autre résorber. Sinon il sera malheureux, Zozou, il sera malade, il peut même en mourir.
Annie se rappelle aussi les montées de désir de Zozou, ses masturbations dans le jardin, ses érections face aux femmes, la difficulté que son père éprouve à lui expliquer les interdits, la nécessité parfois de le chapitrer et de l’enfermer. Même si ce n’a jamais été excessif, et que cela n’a jamais dépassé les limites acceptables, cela laisse à Annie des douloureuses traces au fond d’elle-même, car, se plait-elle à se torturer encore une fois, elle est responsable : c’est elle qui conduisait la maudite voiture, c’est elle qui n’avait pas voulu l’attacher, c’est bien elle, et pas une autre. Une grosse larme tombe de son œil, et elle ne s’en aperçoit que par les gouttelettes qu’elle projette sur son bras en s’écrasant sur le bord de la fenêtre.
Une fois la première larme libérée, le reste s’est écoulé en un interminable flot. Se sentant lourde et épuisée, elle retourne se reposer sur un ...