1. Morris Garage


    Datte: 22/12/2024, Catégories: fh, hplusag, inconnu, campagne, revede, intermast, Oral pénétratio, fsodo, occasion, Auteur: Landeline-Rose Redinger, Source: Revebebe

    ... Du débardage, du bruit sourd des troncs qu’on empile.
    
    Il y avait un monde vivant. La scierie comme centre fourmilier du village. Il y avait des vies, des blessures, des morts, des mariages, des filles échappées. Il y avait tout ça, disait Adrien en arpentant les cadavres de bois, les machines rouillées. Les cottes usées restées suspendues aux patères. Il y avait tout ça, puis il y eut le temps de la mécanisation, de l’automatisation puis celui de la mondialisation. Puis plus rien. Le silence comme un drap mortuaire sur la vallée, sur le village.
    
    On laissa passer un petit silence, caméra gros plan sur le regard d’Adrien Dufresne. Le plan suivant fut celui qui accrocha mon regard, celui qui m’insuffla la vie à venir, la vie à vivre.
    
    Adrien était comme on disait avant, un vieux garçon. Pas de femme, pas d’enfants. Papa et maman jusqu’à leur mort. Un chalet de bois confortable fait de ses mains d’homme, plutôt une construction de bon goût. Adrien avait eu une vie heureuse. Une vie heureuse et harassante. L’univers se limitait à la scierie, à la contrée, à la vallée, aux forêts giboyeuses. Le Canada qui l’avait tant fait rêver ne fut pas à la hauteur de ses espérances. Plus que l’image traditionnelle du robuste bûcheron, des colosses, pins et épicéas et autres essences, il y vit de l’industrie, des débroussailleurs payés grassement à l’hectare. De la déshumanisation. De retour et dépité, Adrien ouvrit les yeux sur le monde merveilleux qui l’entourait, on ne l’y ...
    ... reprendrait plus.
    
    Puis, comme revenu de son périple canadien, Adrien se mit en arrêt devant les calendriers Stihl. Ah ! faisait-il. Le calendrier Stihl ! Et il s’extasiait encore devant les filles aux poitrines impressionnantes, une tronçonneuse à la main ou nues sous une salopette à bretelles bien trop amples pour leurs corps parfaits.
    
    C’était la minute coquine du reportage, tous les ingrédients de l’audimat étaient là.
    
    Mais voilà, Adrien s’attardait devant une fille, jupe très courte remontée sur les cuisses, assise dans un petit cabriolet. La blonde, un tantinet vulgaire, talons aiguilles rouge sang, chemisier ouvert sur des seins arrogants.
    
    Celui-ci n’était pas un calendrier Stihl, mais Adrien en avait fait le rêve récurrent de sa vie. Longtemps il avait vu cette fille entrer dans la scierie et demander le plein de son bolide. Et pour elle, sans doute pour elle, Adrien avait conservé l’unique pompe à essence, un collector, une Mobil-Gas verte. Jamais Adrien n’avait cédé aux acheteurs, collectionneurs, non. La vendre était perdre son rêve, voir s’envoler cette jolie fille qui ne vieillirait jamais. Non, jamais. On peut faire une vie avec son rêve. Voilà ce qu’avait ajouté Adrien Dufresne. Voilà ce qu’il avait dit.
    
    Moi, je faisais une nuit avec mon rêve. Attendre une vie, non, je ne le pouvais pas. Vivre mon rêve était une ligne tracée, un postulat, un diktat. Je ne pouvais passer à côté du plaisir. Et je n’y passais pas. Même si le corps payait, peinait, souffrait, ...
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