1. Bullet Proof


    Datte: 27/04/2024, Catégories: fh, Humour rencontre, Auteur: Lilas, Source: Revebebe

    ... questions étaient calibrées, pleines de justesse, de richesse et d’inspiration. Je n’avais jamais pu bosser comme ça avec mon ancien directeur de thèse, qui la plupart du temps restait flou et distrait sur la direction que devaient prendre mes questionnements argumentatifs. Quand il n’annulait carrément pas nos entretiens.
    
    Cette fois, j’éprouvais l’inédite sensation d’avoir un partenaire de valeur. Je pouvais enfin être soutenue, guidée, éclairée, et c’était juste… génial. Une sorte d’admiration naissait en moi, et bien que très contrariée et toujours furibarde de devoir me retaper un trimestre de séminaire – en allemand !! – je commençais à me dire que Buvabe avait bien fait de me sermonner aujourd’hui.
    
    Il avait sans doute été le coup de pied au derrière qu’il m’aurait fallu, bien avant toutes mes péripéties sexue… amoureuses. Si j’avais été totalement occupée par mon boulot, je n’aurais sans doute pas été aussi souvent encline au dévergondage et à la négligence.
    
    Très amère, je pensai, à ce moment-là, que j’avais perdu Pauline pour une simple histoire de baise. Et j’en étais vraiment, vraiment, anéantie.
    
    — Charlotte, je vous ai perdue, commenta soudain Buvabe.
    
    Tout occupé à corriger, il en avait oublié depuis un bail de prendre sa grosse voix de malotru. Ça me fit sourire, car en vrai, cet homme avait une voix grave et douce, une certaine éloquence qu’on pouvait passer des heures à écouter.
    
    — Oui, excusez-moi, répondis-je en revenant à mes moutons. C’est ...
    ... que je commence à avoir faim.
    
    Buvabe parut étonné. Il jeta un œil sur sa montre, fit une mimique, et ôta ses grosses lunettes.
    
    — Oui, il est bien tard, confirma-t-il, et son ton bourru était revenu. On va arrêter pour aujourd’hui.
    
    À la fois soulagée et un peu déçue – il me mâchait tellement le travail qu’il m’avait donné envie de m’y remettre –, je regagnai ma chaise et rassemblai mes affaires, tandis qu’il empilait les livres dans un coin.
    
    — On va les garder là au chaud, m’expliqua-t-il.
    — Ah bon ?
    — Oui, la semaine prochaine, même jour, même heure. C’est le seul moment que je peux vous consacrer.
    — Mais… on va se voir toutes les semaines ? J’avais un rendez-vous mensuel avec Monsieur Diard et…
    
    Il me lança un regard lourd de sous-entendus du genre « cause toujours tu m’intéresses », et je refermai la bouche, mécontente.
    
    — Vous savez, j’ai rendu ma chambre d’étudiante l’année dernière, arguai-je. Je n’avais plus de cours et simplement un travail de recherche et rédaction à faire alors… ça va être compliqué pour moi de venir tout le temps à la fac, d’autant plus que maintenant il y a des cours, et…
    — Charlotte, je ne vais pas y aller par quatre chemins, car je pense qu’avec vous ça ne sert à rien, il faut être au contraire d’une franchise absolue : si vous ne prenez pas votre mémoire au sérieux, il n’y aura rien pour vous à la sortie. Comprenez-vous que chaque année, des milliers d’étudiants, souvent plus brillants que vous, avec le même diplôme que vous, ...
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