Rhapsody in blue - Première partie - Histoires de Sexe

Rhapsody in blue - Première partie

... penché pour éteindre la lampe. La pièce est désormais plongée dans le noir. Puis tu restes immobile derrière moi.

– Bonne nuit, murmures-tu alors, avec une douceur qui ne m’atteint pas.

Je réponds la même chose d’une voix atone. Quelques minutes s’écoulent, et alors que je me sentais lentement dériver vers un profond sommeil, ta voix s’élève dans l’obscurité, calme et basse :

– Je ne sais pas pourquoi tu as couché avec moi, Eva, mais je veux que tu saches que c’était vraiment bien. J’aime faire l’amour avec toi.

Pendant un court laps de temps, je médite avec perplexité sur tes paroles, avant qu’un reste de conscience ne me vienne, et que j’en comprenne le sens. Me tirant alors avec peine de ma somnolence, je trouve la force de répondre, d’une voix cotonneuse et lointaine :

– Merci, Mike.

Tu passes un bras autour de ma taille, et me colles à toi avec une autorité inhabituelle. Ma parole, si je ne te connaissais pas si bien – et pas si mal en même temps – je songerais que tu exprimes là une possession que nous venons implicitement de nous interdire d’éprouver l’un envers l’autre.

Je ne songe pourtant pas à te repousser. La raison en est simple : je sais que tu t’es appuyé contre moi, mais aucune émotion ne vient se glisser dans mon corps calme et apaisé. Je ne sens même pas ton bras sur mon corps. Je ne sens rien, hormis une grande fatigue et une grande lassitude.

Je regarde le noir, un long moment, jusqu’à ce que ta respiration devienne régulière. Puis j’ai l’impression de sombrer loin, sombrer encore plus bas, directement dans une abîme sans rêves et sans illusions.

(1). Une charogne (extraits), Les fleurs du mal, Charles Baudelaire.