Fin d'une illusion - Histoires de Sexe

Fin d'une illusion

... ils nous ont mis sous perf’. On absorbe juste des liquides, des protéines, des sels minéraux. Plus besoin de passer aux toilettes ; une simple sonde urinaire suffit. Dire qu’ici on continue de subir la loi de nos boyaux… Tordant, non ?
— Virtuelle ou pas, la nourriture doit bien être évacuée…
— Par un simulacre de merde, à l’odeur parfaitement réaliste. Comment ils ont fait, à ton avis ? Ils sont passés dans les gogues de Zurich pour enregistrer différents fumets ?
— Arrête, je vais vomir ! Non… inutile de disserter aussi sur le dégueulis !

Eva émit un rire sans joie, puis s’enferma dans les commodités. J’attendis patiemment dans le couloir. Je l’accompagnai ensuite dans notre petite salle de bain, où elle ôta sa tunique de coton. Sous le nombril, l’énorme balafre criait mon incompétence.

— C’aurait pu être pire, commenta-t-elle en se regardant dans la glace. Pas très beau à voir, mais au moins ça ne s’est pas infecté.

J’observais un silence coupable.

— De toute façon, je ne conserverai pas ça très longtemps…
— Quoi… ?
— Si je suis revenue, c’était pour te prévenir que ce monde n’est que le fantasme d’un vieux fou. Mais… je ne resterai pas.

Une pique de glace s’insinua entre chacune de mes vertèbres.

— Tu veux dire quoi par là exactement, Eva ?
— Il te faut un dessin ? C’est pas toi qui a parlé de se « réveiller » ? De se jeter la tête contre les murs ?
— Alors c’est ça ? Pour sortir de ton rêve, il faut se pincer ?
— Non. Je pensais à quelque chose ...

... de plus… définitif.

Bouche sèche, je déglutis

— Le suicide ?
— Très efficace en effet, pour mettre fin à une illusion.
— Et si tu te trompes ? Et s’il n’y a pas d’autre vie que celle-ci !
— Tu trouves que c’est une vie, toi ? Un monde mort, des millions de cadavres, une existence entière à tourner en rond dans un bocal ? Tu n’as pas encore réalisé que TOUT ici pointe vers la sortie ? C’était censé être ton dernier geste, Alain… Ton ticket pour la bonne vieille réalité… Enfin, si toi tu n’en veux pas, ce n’est pas mon cas.
— BORDEL ! MAIS ARRÊTE DE DÉCONNER !

Elle se tut. Ses yeux noirs étaient emplis de pitié, une pitié vraiment effrayante. Que cette comédie de mondes virtuels soit vraie ou non, elle était déterminée à en finir avec la vie. Cette prise de conscience me rendait soudain physiquement malade.

— C’est normal, d’avoir peur. Après tout, tu ne peux pas savoir. Mais que tu ne veuilles pas voir les preuves, alors ça je pige pas…
— Mais quelles preuves, Eva ? Arrête de déconner, je t’en prie !

En un instant, j’étais passé de la colère à la supplication. J’étais prêt à me traîner à ses pieds si ça pouvait l’empêcher de se foutre en l’air.

— Cette reconstitution de notre monde, cette projection ridicule, devrais-je dire, est bourrée d’erreurs et d’incohérences ! Ils ont beau avoir un budget quasi illimité, ils n’ont fait que des conneries ! La faute au scénariste… À moins que ce ne soit voulu, pour nous aider à faire la part du vrai.
— De quoi tu ...