Fin d'une illusion - Histoires de Sexe

Fin d'une illusion

Rappel des faits : Deux survivants dans un abri antiatomique, Eva Clarinsky et Alain Durieux, s’affrontent pour savoir ce qui est réellement en train de leur arriver. La version officielle, qui est la survenue brutale du chaos en septembre 2016 après une attaque nucléaire de l’Iran sur Tel-Aviv, est soudain battue en brèche par Eva… Celle-ci se remet difficilement de l’échec de sa grossesse et de la perte de son enfant. Elle évoque l’inconcevable : ils seraient en train de vivre une expérience initiée par une équipe de neurochirurgiens.

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Eva paraissait à ce point sûre d’elle et maître de son discours, elle racontait cette histoire de façon si convaincante et avec une telle cohérence, que, durant quelques minutes, j’eus la sensation vertigineuse qu’elle disait la vérité. Un monde mental où nous serions immergés comme des rats de laboratoires pour y subir des épreuves fictives ?

Il était si facile de s’abandonner à ce fantasme, d’accepter l’idée que tout était sous contrôle, que rien de grave ne pouvait arriver… J’aurais presque pu y croire. Bon Dieu, j’aurais voulu y croire ! Mais adhérer à ses dires, c’était accepter que le fou ce soit moi, c’était réfuter le témoignage de mes sens, remettre en question ma propre identité, tout ce en quoi je croyais depuis deux ans ! Et, plus insupportable encore, c’était envisager ma responsabilité plus ou moins directe dans la mort de mon épouse, de ma fille…

Une colère sourde grondait en moi, comme si Eva ...

... était à l’origine de l’accident soi-disant arrivé dans la station de métro. Malgré ma détermination à ne pas la contredire, ma promesse de ne pas l’interrompre, je ne pus m’empêcher de réagir avec humeur :

— Ok. Si je te suis bien, l’abri, la région Parisienne en ruines, tout ce qui nous entoure… tout ça n’est qu’une vaste illusion ?
— C’est ça, répondit-elle avec un sourire confiant.
— Dans ce cas, où est-ce qu’on se trouve ?
— Tu viens de le dire. Coincés dans ton univers mental…
— Non, je veux parler de nos corps « physiques ».
— Ah, je vois ! À Zurich, dans un pavillon de l’hôpital universitaire.
— D’accord… Imaginons deux minutes que ce soit vrai. Dans ce cas, tu peux me dire comment on communique, toi et moi ?
— Par la pensée, tout simplement. L’hypersimulateur se charge de transformer certaines de nos impulsions mentales en sons, que nous croyons émettre ou recevoir.
— Si on pousse le raisonnement, qu’est-ce qui me prouve que tu existes réellement ?
— Rien, admit-elle. Tu pourrais tout à fait t’adresser à toi-même depuis des mois. Ou bien l’inverse : moi, qui discuterait avec une émanation de ma propre psyché, un archétype du sauveur idéal, matérialisé à mon intention par Mélusine…
— « Mélusine » ?
— Le surnom du gadget à un milliard de dollars qui contrôle la cohérence de notre environnement. Une référence à la fée Mélusine, si j’ai bien compris, qui construisait ses châteaux durant le sommeil des mortels…

Eva piocha une fraise dans le saladier qui nous ...