Bière et tisane
Datte: 25/02/2019,
Catégories:
fh,
inconnu,
boitenuit,
amour,
cérébral,
photofilm,
nopéné,
nostalgie,
coupfoudr,
Auteur: Olaf, Source: Revebebe
... confronté au spectacle de son corps dans sa lutte pour le plaisir. Si je peux supporter ce qu’elle m’offre cette nuit, si je peux accepter, aimer même, le bouillonnement de son sang enfiévré, les suintements de ses muqueuses, les spasmes de sa gorge et de ses poumons, le relâchement de ses muscles endoloris, l’odeur aigre de sa sueur, et toutes les marques de sa lutte intime contre la maladie, alors je serai prêt à découvrir les mêmes déferlements de l’abandon au plaisir. Alors je pourrai tout regarder, tout prendre, partager le plus intime de ce que ce corps, à nouveau prêt pour la jouissance, voudra m’offrir.
Sa manière d’éluder ma question sur son célibat plus ou moins actif m’inquiète quand même un peu. Ne suis-je pas en train de circuler en double file ? J’aborde la question en biaisant maladroitement.
— En fait, tu n’attendais personne, là ? Je peux partir maintenant, si tu préfères. Je t’ai sauvé la vie, ça me suffira pour cette nuit…
— Non, reste ! J’aime bien entendre ta voix. Elle a quelque chose de rassurant. En d’autres temps, je dirais même d’excitant…
— Tu n’as vraiment personne d’autre dans ta vie, à part ta fille ?
— Parfois, si. Mais juste pour des transports éphémères.
— Je me vois mal entrer en concurrence avec un routier baraqué, genre quarante tonnes rutilant.
— Ce sont les pires ! A donf sur les voies rapides, j’arrive pas à m’y faire…
— Tu préfères les camionnettes de livraison ? Même plus toutes fraîches et un peu poussives sur les bords ...
... ?
— M’en fiche qu’elles soient lente à démarrer, si elles assurent sur la durée.
— Tu me vois un peu bourrin, en d’autres termes ?
— C’est toi qui le dis. Mais je n’ai rien contre les idylles bucoliques. Bien au contraire…
— Et pour la durée, précisément ?
— Il n’y a que le tapis roulant qui puisse me satisfaire. Il ne faut pas que ça s’arrête, jamais. Enfin, c’est ce que je croyais. Mais depuis que j’ai découvert que ça tombait sans cesse en panne ces machins, je n’ai plus trop envie.
Je ne suis pas beaucoup plus avancé. Bien fait pour ma pomme. Pas besoin de nous encombrer avec nos histoires respectives. J’ai d’ailleurs un peu de peine à imaginer comment elle planifie ses débordements sensuels, entre son job, son rôle de maman, la vie que lui mène son ex, et tout ce qui tourne autour de ses longues journées. Qui suis-je pour désirer m’immiscer dans son existence ? Serais-je même capable de tenir plus d’une semaine à ses côtés, confronté à toutes les contraintes qu’elle subit ?
Que reste-t-il du désir face à la banalité de la vie ? Quand est-ce qu’on trouve le temps, et la force de poser sa main sur le bras de l’autre, de faire grossir la bulle de douceur, de s’abandonner à la magie d’un instant de complicité ? Instinctivement, je suis depuis toujours terrorisé par la banalité. En suis-je pourtant exempt dans ma propre vie ? Aussi commune que puisse être la vie de Véronique, le peu que j’en connais me laisse supposer qu’elle est souvent faite de choix. Des choix ...