1. On ne peut pas faire le bonheur des autres contre leur gré


    Datte: 24/02/2019, Catégories: vengeance, portrait, Auteur: Kris, Source: Revebebe

    ... se dit que cette table de quatre pour elle toute seule, alors que la salle est pleine, c’est trop. Elle aurait peut-être dû proposer de se serrer sur le comptoir. En fait, elle n’en a pas du tout envie, mais sa bonne éducation et peut être aussi son sens des affaires, la poussent à le faire.
    
    Alors qu’il revient de la cuisine et avant qu’il ne pose quoi que ce soit sur la table :
    
    — Vous êtes complet, je suis seule à occuper une table de quatre, vous voulez que je me place au comptoir ?
    — Non, non, restez là, pas de souci !
    
    Sur ces mots, il pose un verre, la demi-gazeuse, un tiers de baguette qui embaume instantanément l’espace : on le dirait sorti du four, une odeur de boulangerie traditionnelle. Elle sent des promesses qui se réalisent.
    
    Il repart et réapparaît instantanément,
    
    — Je vous ai fait une petite salade verte, si vous n’en voulez pas, laissez-la !
    
    Avant qu’elle ne puisse répondre quoi que ce soit, il a de nouveau disparu.
    
    Dans la « petite salade », elle aperçoit des morceaux de magrets de canard et l’odeur du vinaigre balsamique, qu’elle reconnaîtrait entre toute. Et dire qu’elle n’a qu’une demi-heure ! Elle décide de tester immédiatement la salade et de garder ce qui ne pourrait être qu’une bonne surprise, un vrai et pur jambon-beurre, pour la fin.
    
    En dix minutes elle a engouffré une salade d’une finesse qu’elle n’avait pas rencontrée depuis longtemps et le vrai, unique et seul sandwich jambon-beurre digne de ce nom qu’elle n’ait jamais ...
    ... mangé.
    
    — Vous avez le temps pour un petit café ?
    
    Elle acquiesce de la tête. Le quart d’heure qui reste ne sera pas de trop pour se remettre de ses émotions gustatives. Elle se pose sur le dossier de la banquette, quitte l’isolement où elle s’était enfermée, tant elle voulait se concentrer sur son repas.
    
    Elle perçoit la conversation à la table de deux, juste derrière elle. Des représentants discutent. Il y a un fanfaron et un admiratif, le duo parfait ; le sujet : les conquêtes du premier.
    
    Monsieur le tombeur vient de répondre par l’affirmative à celui qui n’oserait pas. Eh oui, c’est fait, il l’a eu, la petite secrétaire, la nouvelle ! Et de révéler moult détails. J’ai honte pour elle : comment a-t-elle pu ne pas voir, le dragueur basique, l’antiromantique parfait, le Lucky Luke de l’amour ? Elle est aussi coupable qu’il est pitoyable et l’autre benêt qui l’écoute, qui veut des détails ! Il va en faire quoi des sujets de conversations : des fantasmes masturbatoires ?
    
    Elle va déconnecter son esprit de cette horreur, quand tombe la question de sa femme. Instantanément, elle est prise des nausées du passé. Sa femme ? Elle ne se doute de rien, elle le croit en séminaire avec le grand patron et chaque fois ça marche.
    
    Elle veut voir son visage. De toute façon, il est l’heure. Elle profite du court instant où elle enfile son manteau pour regarder le traître et enregistrer son visage.
    
    Rien à voir avec son ex-mari, c’est au moins ça. En même temps, elle n’imaginait pas ...
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