On ne peut pas faire le bonheur des autres contre leur gré
Datte: 24/02/2019,
Catégories:
vengeance,
portrait,
Auteur: Kris, Source: Revebebe
... c’est plutôt négatif, en vert pour le positif. Il faut surtout que les fournisseurs aperçoivent les variations de couleurs, c’est très scolaire et ça les replonge dans leurs inquiétudes d’enfances. Quant à elle, elle bénéficie immédiatement du statut de maître. Simple, mais efficace. Ce procédé lui a souvent permis de prendre l’ascendant sur des vieux briscards de chantiers, d’ailleurs plus l’interlocuteur est macho, plus l’effet s’amplifie : ils se souviennent soudain que le mot maîtresse à d’autres sens que celui qu’ils pratiquent.
Sa secrétaire est sur le pont, elle connaît les matins de préparations et la rigueur qu’exige la chef. Elle ne lui en tient pas grief. Contrairement à d’autres, ses exigences sont justifiées et elle n’hésite pas à associer ses collaborateurs à ses réussites : petites notes de services, commentaires personnalisés sur la fiche d’évaluation annuelle. Beaucoup la trouvent distante, mais tout le monde la respecte et, après tout, c’est bien mieux comme ça.
— Vous avez pensé à me faire des photocopies A3 des plans de chantier, que je sois la seule à ne pas me mélanger dans les pliages architecte ?
— Oui, photocopies couleurs A3 pliées A4 !
La pile de dossier est sur le bureau, les pochettes par couleurs, la reliure à sangle, marquée d’une magnifique écriture calligraphiée. Elle n’a pas besoin de vérifier, les signes de ses petites manies sont apparents. Quel plaisir ! Elle espère ne jamais perdre cette perle.
— Vous êtes parfaite, comme ...
... d’habitude !
— Vous voilà armée pour affronter ces messieurs…
Quelques vérifications aux archives, des doutes, des interrogations qui lui sont revenus le soir dans son grand lit froid, elle ne laissera rien au hasard. Elle sait qu’elle le fait pour se rassurer, un autre TOC, un rituel de réussite.
Tout est dans le coffre : dossier dans le bac plastique bleu et bottes et casque de chantier dans le vert.
Il est temps d’aller déguster ce sandwich, elle est curieuse de voir comment cet homme prépare les casse-croûte. Maîtrise-t-il l’art du jambon-beurre aussi bien que celui du petit noir ?
C’est amusant, elle est persuadée qu’elle ne sera pas déçue, une impression. Pourquoi ? Mystère. Il faudra qu’elle prenne un peu plus de temps pour l’observer. Attention, simple curiosité : pas besoin d’homme dans sa vie, enfin, pas pour l’instant.
Pour la première fois, elle voit la salle pleine, loin du désert du matin. Au comptoir, les mangeurs de sandwiches. Aux tables, des clients en costumés dégustent un plat, dans de grandes assiettes carrées avec des mélanges de couleurs, un léger filet de sauce qui entoure les aliments et finit en arabesque. Des parfums… pas une odeur, des parfums. Encore une fois elle est intriguée : que cache ce lieu ?
Il s’avance vers elle.
— Installez-vous, vous souhaitez une boisson ?
— Une eau gazeuse, si vous avez.
— Badoit ou San-Pellegrino ?
— Une demi-Badoit, s’il vous plaît.
Il enlève le petit panneau « réservé » et s’éloigne. Elle ...