La rencontre du sergent Valentina Netchaïev
Datte: 15/02/2019,
Catégories:
guerre,
fh,
inconnu,
uniforme,
forêt,
Oral
nature,
Auteur: Jean-Marc Manenti, Source: Revebebe
... geste sec, coupa les liens qui entravaient ses poignets.
— Pourquoi fais-tu tout ça pour moi ? Tu es sensé me tuer, non ?
— Je suis médecin… Mon rôle ici, c’est de maintenir en vie, dit Otto Piltz, tout en soufflant des volutes bleutées vers la cime des arbres.
Ils fumèrent en silence, en s’observant du coin de l’œil.
— Tu va m’emmener du côté allemand ? s’enquit-elle d’une voix où perçait l’angoisse, tout en écrasant son mégot.
— Je vais couper les liens de tes chevilles, tu vas prendre tes affaires et continuer ton chemin. Si je t’emmène, je ne donne pas cher de ta peau.
Il l’aida à se remettre debout et la coiffa de sa casquette. Une fois la cordelette coupée, il lui rendit son couteau. Elle le saisit d’un geste sec, le pointa vers lui. Elle hésita quelques secondes en regardant Otto dans les yeux, puis, finalement, le glissa dans son étui.
— Je pourrais te tuer, moi, maintenant.
— Oui, tu en es bien capable, camarade sergent, et je préférerais cela, plutôt que d’être écrasé sous un de vos T34 quand vous donnerez l’assaut.
Elle ramassa son lourd sac de toile et se planta devant lui.
— Et bien, camarade docteur, bonne chance !
Otto Piltz prit délicatement le visage de la Sibérienne entre ses mains.
— Faut-il que le monde soit fou pour transformer une beauté comme toi en machine à tuer !
Il embrassa la bouche de la jeune femme.
— Bonne chance, camarade sergent, j’espère que cette guerre t’épargnera.
Un voile trouble passa une fraction ...
... de seconde dans le regard de la Sibérienne.
— Viens avec moi, Otto, tu n’imagines pas ce qui se prépare là-bas !
Son doigt indiquait les lignes russes. Le jeune officier eut un sourire et lui caressa la joue.
— Si, Valentina, j’imagine bien et j’en frémis. Mais je suis de garde cette nuit, des blessés m’attendent.
— Mais tu n’es pas leur seul médecin !
— Si je désertais, Dieu seul sait ce qu’ils feraient au peu de famille qu’il me reste en Allemagne !
Elle s’éloigna de quelques pas, se retourna pour le regarder quelques secondes encore, puis disparut dans l’épaisseur de la végétation.
Otto Piltz referma son livre et quitta la couverture sur laquelle il était assis. Il fit quelques pas et se plongea dans la contemplation des flots paisibles de la rivière qui scintillaient dans les dernières lueurs du jour. Depuis la veille, il ne cessait de penser à la jeune Sibérienne qui avait failli l’égorger.
Il avait opéré toute la nuit et, après un solide repas, avait dormi toute la journée, malgré l’étouffante chaleur. Là, il faisait si bon, une relative fraîcheur venait lentement avec la nuit. Toutes les essences végétales se répandaient dans le sous-bois.
Alors qu’il s’arrachait à sa contemplation et décidait de regagner les lignes allemandes pour retourner dans sa chambre derrière le bâtiment sanitaire, il fut ceinturé, et la lame froide d’un couteau pressa sur sa gorge.
— Décidément, tu n’es vraiment pas prudent, camarade docteur ! souffla à son oreille la ...