Jonas - Histoires de Sexe

Jonas

... dans ces clichés. Par contre, faut aussi que je t’engueule, Jonas. Qu’est-ce que c’est que ces tirages de merde ? T’as cochonné la sortie.
— Robert, ces photos ne sont pas de moi. Vraiment. Mais de quelqu’un que tu connais.
— Qui ?
— Louise

Robert leva les yeux vers moi, interdit. Il observa un long silence. Je lui expliquai ce que je savais, et les scrupules de Louise à lui montrer son travail.

— Appelle-la.
— Elle va pas aimer que je t’aie montré.
— Ton problème, mon gars. Appelle-la.

Louise approcha, le visage froncé, elle avait vu son book ouvert sur le pupitre, devant Robert. Elle me jeta un regard furieux.

— Avec quel appareil photographies-tu, Louise ? interrogea Robert, toujours plongé dans le book.
— Fuji X100.
— Excellent choix. Minimaliste. Un seul objectif, focale fixe, c’est toi qui bouges. Des contrôles directs, à l’ancienne. Une qualité de capteur remarquable. Tes photos sont remarquables aussi, ma jolie. Vraiment.
— Merci
— Si tu continues à bosser comme ça, tu as plus que ta place à Cameralab. Mais je ne sais pas s’il faut te le souhaiter. À l’heure des smartphones, la photo devient un gadget prêt à consommer. J’ai bien peur que l’audience de la photo de qualité se dilue. Faut du courage ou de l’inconscience pour se lancer là-dedans. Des médecins, il en faudra toujours, et puis c’est une belle vocation. Mais si tu choisis la photo, je serai malgré tout là pour t’appuyer. Ton talent le mérite. Et puis l’an prochain, j’aurai besoin d’un ...

... nouvel assistant. Comme tu le sais, ce jeune homme part pour deux ans chez les Californicateurs. Il y a une place à prendre. Pas besoin de te préciser combien je suis chiant. Mais il n’y a pas de meilleur endroit pour apprendre vite. Et c’est payé.
— Merci. On verra. Je ne suis pas encore décidée.
— Tu as raison. Autre chose : tu ne vas pas prendre part à ce shooting lingerie, aujourd’hui. C’est fini, je t’ai fait remplacer. J’avais déjà engueulé Muriel de ne t’avoir rien trouvé de mieux. Et puis à présent, voilà que c’est le client qui ne veut plus de toi. Trop belle. Les bobonnes qui feuillettent le catalogue ne se reconnaissent pas en toi. Elles ne te voient pas comme la femme, mais comme la maîtresse, la rivale détestée. Mauvais pour les ventes.

Louise se mit à rire.

— Pas grave, Robert. Je ne comptais de toute façon pas faire carrière de miss Playtex.
— Attends. Ça ne veut pas dire que tu ne poseras plus. Je reprends progressivement des jobs plus ambitieux. En juillet, je pars shooter toute une collection pour une très belle marque de prêt-à-porter anversoise, super-classe. À mes conditions : j’ai refusé Miami et consorts. On part une semaine en Argentine, en pleine nature. Magnifique.
— On ?
— Oui, moi, Jonas, Cléo. Et toi aussi, tu es du voyage. Muriel a montré des books et des books de jolies filles à la directrice artistique de la marque qui cherchait une icône centrale, sans la convaincre. Et puis elle est tombée sur tes composites, elle a pointé du doigt ta ...