Jonas - Histoires de Sexe

Jonas

... j’ai pu m’offrir ce petit bijou dont je rêvais. Il ne quitte pas mon sac. Je regarde autour de moi. Je déclenche. Papa imprime les meilleures sur papier baryté.

On se mit à parler photo, et je m’aperçus avec surprise qu’elle était calée. Vitesses, diaphragme, sensibilité, profondeur de champ, elle maîtrisait parfaitement les fondamentaux. Et avait une culture photo étonnante pour son âge. Elle connaissait les travaux de photographes aussi divers que Diane Arbus, Dorothea Lange, Cartier-Bresson, Mapplethorpe…

— Tu as déjà montré tes photos à quelqu’un ? À Robert ?
— T’es fou ? Pour qu’il se foute de ma gueule ? La petite gonzesse qui fait ses chromos ringards ? Le regard du grand pro sur les naïvetés de l’amateur… À vrai dire, c’est ça qui m’emmerde un peu. Tu sais, je suis en terminale, l’année du Bac. Et je suis plutôt bonne élève. Après, soit ce sera le concours d’entrée en médecine. Soit ce sera tenter de me faire admettre à Cameralab. J’y pense depuis des années. Mais paradoxalement, l’idée de m’y confronter à Robert me bloque et m’impressionne, malgré l’affection que j’ai pour lui. Jamais il ne me prendra au sérieux.
— Qui sait ? Et à moi, tu les montrerais, tes photos ?

Elle fit une moue un peu renfrognée, fronçant les sourcils. Hésita. L’alarme de son téléphone retentit, lui indiquant qu’il était temps de rejoindre le lycée.

— OK, d’accord, je te les amènerai, mais je veux quelque chose en échange. Tout de suite.
— Quoi ?
— Un baiser. Un ...

... vrai.

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Le lendemain, mercredi, avait lieu le dernier shooting de l’année calendaire. Robert avait pris soin de planifier les séances le mercredi afin de permettre la participation de Louise. Celle-ci arriva plus tôt que d’habitude, un portfolio sous le bras.

— J’ai eu mon baiser, voilà les photos

Elle s’éloigna aussitôt par pudeur, craignant de se confronter à mon jugement, soit qu’il soit trop sévère, soit qu’il soit peu sincère et trop indulgent. Je m’attendais à tout sauf à cela : page après page, il y avait des photos formidables. Beaucoup de clichés pris sur le vif, de la« street photography », mais remarquable. Quelques portraits aussi. Quand Robert arriva, je l’interceptai.

— Tu as cinq minutes pour moi ? Je voudrais te montrer un book de photos d’une connaissance à moi, connaître ton avis.
— Cinq minutes, pas une de plus.

Il ouvrit le book, tourna les pages en silence, une par une, s’arrêta, sourit.

— Eh bien, Jonas, tu m’étonnes une fois de plus. Parce que bien sûr, je ne tombe pas dans le panneau du tu veux pas regarder les photos d’un pote ? Classique. Ce sont donc tes photos, et tu as totalement changé de style. Chapeau. J’apprécie cette remise en question. Et il y a des choses étonnantes, excellentes. Parfois imparfaites, ceci dit, fais attention, mais en réalité même leur imperfection est intéressante, ajoute de la chair, de l’émotion. Mais globalement, je t’encourage vraiment dans cette direction, il y a… une énorme générosité ...