1. Un goût de cendres


    Datte: 15/01/2019, Catégories: nonéro, mélo, Humour Auteur: John Dough, Source: Revebebe

    ... sont pointés chez moi et ils ont tout démoli.
    
    Résultat des courses, j’avais plus un rond, mon pote s’était barré et Suzy était au gnouf. J’ai tout largué pour me tirer à la campagne, et je vivote à présent à proximité d’une ferme, où je fais des petits boulots. Enfin, quand je dis « petits boulots », c’est rapport au salaire qu’ils me valent, parce que question dépense d’énergie, ils ont tendance à me transformer en carpette à la fin de la journée.
    
    Maintenant, j’ai plus rien à moi. J’ai pas de femme, j’ai pas d’enfant, j’ai pas d’avenir. Jusqu’à hier, je pensais n’avoir même plus de passé, mais celui-ci a brusquement ressurgi, alors que je venais de terminer ma journée à la ferme, assis devant un pot de café et un bout de pain. Le journal du matin traînait sur la table, et j’ai commencé à le feuilleter distraitement. Souvent d’ailleurs, le patron me le laisse en fin de journée : les vieilles gazettes me servent à allumer le feu de bois dans la masure que j’occupe non loin de la ...
    ... ferme.
    
    Dans la rubrique nécrologique, il y avait un faire-part avec une photo de Josiane.
    
    J’ai regardé les dates et, sans réfléchir, j’ai demandé ma journée, le lendemain, pour me rendre à l’enterrement. C’était con, parce que je n’avais strictement rien à foutre là-bas. Je suis resté bien à distance, engoncé dans les fringues les moins minables de ma maigre garde-robe, je n’ai parlé à personne, et personne n’a pris garde à moi.
    
    Évidemment, j’ai beaucoup maigri, j’ai le dos un peu voûté et je porte la barbe. Pas de quoi m’identifier au premier coup d’œil ! J’étais là comme une ombre. J’ai vu qu’on embarquait le cercueil vers le crématorium. J’ai eu tout à coup un pincement au cœur. C’était un peu comme si on devait brûler les dernières traces de mon passé.
    
    Comme je n’avais plus rien à faire, j’ai marché un peu en ville, dans les rues, mais je ne m’y sentais plus chez moi. Finalement, j’ai repris l’autobus, puis le chemin de la ferme.
    
    Dans la bouche, j’avais comme un goût de cendres. 
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