1. Féérie


    Datte: 04/01/2019, Catégories: nonéro, confession, Humour merveilleux, Auteur: Radagast, Source: Revebebe

    ... ou les vautours, zozote la vipère.
    
    Tandis que la discussion s’envenime entre la vipère et un lézard, tous les regards se portent sur l’arbre, sur le sapin multicéphale.
    
    Une libellule apparaît entre les branches. Du moins, je pense d’abord à une libellule.
    
    Elle vole vers moi. Une lueur émane d’elle. Quatre ailes diaphanes, un corps délicat.
    
    Plus elle s’approche, moins je suis sûr de mon fait : si elle possède bien des ailes d’odonate, elle n’en a pas le corps.
    
    Elle se redresse en un vol vertical.
    
    C’est une femme. Une femme sublime ; de longs cheveux roux couvrent ses épaules. Des cheveux couleur de feuilles d’automne. Ses petits seins frémissent à chaque battement d’ailes.
    
    Je peux maintenant voir son mignon ventre couleur de feu ; il me semble l’entendre crépiter et voir des flammèches y danser.
    
    Plus elle s’approche, plus elle semble grandir. Elle se pose à mes côtés. Elle est maintenant presque aussi grande que moi.
    
    Les animaux s’écartent, s’inclinent et se taisent sur son passage.
    
    Elle s’agenouille et me caresse le visage. Une agréable sensation de fraîcheur m’envahit. Elle sent la menthe poivrée, la callune, les framboises et le narcisse. Son regard violet me transperce. Son sourire est déjà un avant-goût du paradis.
    
    — N’aie pas peur, me dit-elle.
    
    Sa voix ressemble à la brise traversant les frondaisons, au pas d’une biche sur des feuilles sèches et au gazouillis des mésanges.
    
    Je n’ai pas peur. J’éprouve même de la joie.
    
    Elle pose ...
    ... ses lèvres sur les miennes.
    
    Je vois des étoiles. Je vois le monde tel qu’il devrait être, si beau sans la connerie humaine.
    
    Je m’envole. Je pars. Je vois l’univers.
    
    Adieu mes amis.
    
    Il fait noir.
    
    Bip… Bip…
    
    — Il se réveille !
    
    J’ouvre les yeux.
    
    Devant moi, en rang d’oignons, mes collègues me regardent avec inquiétude.
    
    Assise à mes côtés, mon épouse me tient la main. Ses yeux rougis de larmes.
    
    — Nom de dieu ! Tu nous as flanqué une de ces frousses… me dit mon supérieur.
    — Où suis-je ? murmuré-je.
    — Tu es à l’hôpital, me dit ma chérie.
    — Sacré animal, tu reviens de loin, ajoute Jean-Michel, mon collègue et ami.
    
    « Si tu savais vraiment d’où je viens, ce que j’ai vu… »
    
    Je les trouve tous un peu pâlichons ; c’est moi le malade, et eux qui ressemblent à des déterrés.
    
    — Christine m’a appelé, affolée : à 18 h 30 tu n’étais pas rentré, alors que tu ne devais rester qu’une heure ou deux en forêt.
    
    Jacques, mon supérieur, se lance dans des explications compliquées :
    
    — J’ai rameuté tous les collègues, les pompiers et les gendarmes ; et comme je savais dans quelle zone chercher, nous avons organisé une battue. Je faisais sonner ton portable pour essayer de te repérer. Et Jean-Michel t’a trouvé. Aussitôt Francis t’a fait un massage cardiaque et du bouche-à-bouche.
    
    Francis et sa moustache de morse… Quelle horreur !
    
    Ils se marrent tous.
    
    — Je rigole ! Il t’a fait un massage, Séverine a pratiqué le bouche-à-bouche. Puis les pompiers sont ...