1. Féérie


    Datte: 04/01/2019, Catégories: nonéro, confession, Humour merveilleux, Auteur: Radagast, Source: Revebebe

    ... vipères, rainettes naines, libellules, chouettes, écureuils et genettes.
    
    Je ne suis pas très chaud pour laisser entrer ici les énormes engins forestiers qui vont défoncer, broyer, lacérer ces lieux.
    
    Conscience professionnelle oblige, j’y fais quand même un saut. Sans écouter les derniers conseils de mon épouse : « Quand tu seras malade, qui te soignera ? Pas ton idiot de patron, mais moi ! »
    
    Je laisse ma voiture dans un sentier d’exploitation, bien cachée pour ne pas donner de mauvaises idées aux gens de la ville ! Nous pouvons aller en voiture sur des routes interdites, contrairement au commun des mortels.
    
    Cette fois, je suis seul. Mon amie, ma muse, ma petite chérie vient de me quitter. Pour la première fois depuis plus de 15 ans, je ne verrai pas sa jolie queue en panache devant moi. Ma petite Lily vient de rejoindre le paradis des chiens.
    
    En rogne et pestant contre une bonne partie de l’humanité, je fais le tour des parcelles.
    
    Je ne change pas d’opinion : faire une exploitation dans ce coin est une absurdité. Un plateau humide situé à plus de 1200 mètres d’altitude est une zone fragile, délicate. Ce coin est même classé. Nous sommes ici dans une Zone d’Observation Biologique.
    
    De plus, si la coupe permet de sortir 200 ou 300 mètres cubes sur 30 hectares, ce serait exceptionnel. 300 mètres cubes de pins à crochets rachitiques, par-dessus le marché !
    
    Juste bon à faire de la trituration.
    
    J’en profite pour aller faire un tour au centre de ce petit ...
    ... paradis. Là, sur une petite butte trônent quelques gros arbres étonnants. Un pin sylvestre tortueux, un hêtre à moitié sec et un énorme sapin. Ses branches basses balaient le sol à plusieurs mètres du tronc et cachent sa souche. Sa cime cassée par le vent ou la neige a dû repousser plusieurs fois, le faisant ressembler à un chandelier à cinq branches. Il est pourtant toujours bien vert.
    
    Il émane de cet arbre une aura inspirant le respect. Les Celtes vénéraient les arbres ; je les comprends.
    
    Ces trois arbres démontrent une farouche volonté de vivre.
    
    Alors que je ne suis plus qu’à quelques mètres de cet étrange trio, je ressens une immense fatigue ; mes jambes sont lourdes, j’éprouve des difficultés à respirer. Je tombe à genoux, un voile noir devant les yeux. Je me sens partir. Cette fois, je vais connaître le grand secret. L’autre côté du miroir. Même si je suis de l’avis de Francis Blanche : « Je préfère le vin d’ici à l’eau de là. »
    
    Je m’estime apte pour le paradis. Je n’ai jamais nui à quiconque. Que dis-je : j’y ai droit !
    
    Mais dans quel Walhalla vais-je me retrouver ? Un paradis où ne vont que les traditionalistes, comme ceux de la manif pour tous, un paradis où les homos seront refoulés. J’ai des copains que Frigide Bargeot n’apprécie guère ; ils méritent pourtant autant que d’autres d’aller lutiner les anges. Qui sont ces gens qui décident à la place de leur dieu qui ira s’asseoir à la droite du père ? Quand on y réfléchit bien, ça doit faire bizarre, tout ...
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