1. Mon patron, cet abruti (6 / 7)


    Datte: 25/09/2018, Catégories: photofilm, nonéro, policier, Auteur: Anne Grossbahn, Source: Revebebe

    ... parviens devant un treillis en mauvais état, et repère bien vite une trouée, dans le bas, que j’élargis en tirant comme une folle et en m’écorchant les doigts. Je finis par soulever la base de la clôture et me glisse par-dessous, non sans m’occasionner de nouvelles écorchures sur la peau nue de mon ventre et de mon dos. Un bref et douloureux parcours au travers d’un bouquet d’orties me permet d’accéder à une voie carrossable, mais en mauvais état.
    
    Je tente de m’orienter : le chemin est obscur et bordé d’arbres, du côté opposé au terrain vague. Vers la gauche, il se perd dans l’obscurité, mais au loin, à droite, je vois les lumières de la ville. Il doit y avoir un carrefour menant à une route asphaltée, par où on nous a probablement conduites jusqu’ici. Je commence à courir dans cette direction, en jetant un regard vers la droite. Des phares trouent soudain la nuit, et un véhicule se met à rouler sur le terrain vague en direction du chemin. En courant, j’oblique vers la gauche, traverse un nouveau paquet d’orties et gagne l’abri des arbres avant que le faisceau des phares ne m’atteigne. Je trébuche dans les feuillages, les ronces et les branches mortes, et finis par m’accroupir au moment où la voiture passe à ma hauteur, à quelques mètres seulement, et poursuit sa progression vers le carrefour éclairé.
    
    Je reste immobile, guettant les feux rouges qui s’éloignent. Vont-ils s’en aller ? Je devine l’éclairage qui change de direction, tourne… et revient dans l’autre sens ! ...
    ... Je m’écrase dans la végétation, entre les arbres, et le véhicule repasse, plus lentement, puis s’éloigne à nouveau vers l’autre bout du chemin. À plusieurs reprises, je dois faire des plongeons pour éviter d’être repérée par le ou les occupants de la bagnole qui fait des allers et retours. Finalement, après un crochet et une halte dans le terrain vague, elle repasse à vive allure et disparaît vers l’agglomération. Prudemment, je me lève et gagne le bord du chemin, où je commence à trottiner, en espérant qu’on ne m’observe pas. Même si je prends soudain conscience de l’état pitoyable dans lequel je me trouve, en soutien-gorge et couverte de boue et d’égratignures, je n’en galope pas moins vers la zone éclairée. Sur la droite, le terrain clôturé semble calme.
    
    Soudain, un voix m’interpelle :
    
    — Marielle !
    
    Mon cœur fait un bond dans ma poitrine lorsque je vois Cheryl s’extraire de la végétation du bas-côté. Nous nous jetons dans les bras l’une de l’autre.
    
    — Tu m’as fait peur ! J’ai failli faire dans mon froc !
    — Excuse-moi, dit-elle.
    — Tu crois qu’ils sont partis ?
    — On dirait, oui. Viens !
    — Et François ?
    — Je ne sais pas.
    — Ils l’ont peut-être coincé…
    — Il nous a dit de filer. Alors, on file, et on trouve du secours, c’est le mieux à faire.
    
    Nous nous hâtons vers le bout du chemin. Je suis soulagée d’avoir échappé aux griffes de ces forbans, mais je m’inquiète pour notre collègue. Sans l’intervention providentielle du grand maladroit à lunettes, je passais à ...
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