Chaos, l'immesurable abîme
Datte: 16/09/2018,
Catégories:
nonéro,
Auteur: Lilas, Source: Revebebe
... imper beige (un peu étonnant tout de même pour la saison) avait pris le même chemin qu’elle de chez Tomaze jusqu’au cinéma. Qu’y avait-il d’étrange à cela ?
Liana franchit rapidement les derniers mètres qui la séparaient de son studio. Elle était obsédée par la femme en imper, et en même temps, s’irritait d’y penser.
Mais malgré tous ses efforts, elle ne se sentait pas rassurée. Elle n’arrêtait pas de se dire que le bruit de ses pas avait résonné plus fort parce qu’on aurait dit que quelqu’un marchait au même rythme qu’elle, comme pour doubler ce bruit et ainsi passer plus facilement inaperçu ; elle n’arrêtait pas de se dire que la femme n’avait pas semblé très pressée pour quelqu’un qui voulait assister à une séance de cinéma, alors qu’il y avait toujours foule le vendredi soir.
Pendant tout le temps du trajet de Liana, la femme était par ailleurs restée éloignée d’une cinquantaine de mètres derrière Liana, sans s’approcher ou se laisser distancer davantage. Et c’est peut-êtrecela que Liana trouvait le plus bizarre pour quelqu’un qui allait au cinéma. En plus, ce dernier était de l’autre côté de la rue. Pourquoi ne pas avoir traversé plus tôt du bon côté ?
Liana mit un moment à s’endormir, cette nuit-là. Victime d’insomnie chronique, elle ne s’en étonna pas outre-mesure et se plongea dans une énième lecture du recueil de Laforgue, relisant un poème en particulier.
Vers deux heures, le sommeil la prit. Elle rêva de piano, d’un garçon aux yeux verts qui suivait ...
... Fanny comme un chien, de M. Tomaze et d’autres choses encore. Deux heures après, le rêve se transforma en cauchemar et Liana se réveilla en sursaut, couverte de sueur.
Elle avait rêvé de bourrasques de vent qui emportaient tout, l’emportaient elle-même ; dans un déchirement affreux, elle s’était sentie détachée de son corps, celui-ci avait été dispersé aux quatre vents, et un hurlement avait retenti dans sa gorge qui n’en était plus une. Et cet hurlement, ces membres arrachés, tous les fragments de son corps et de ses pensées s’étaient éparpillés vers un horizon jaune, aussi légers que des plumes, dans un bourdonnement si terrible que le silence de sa chambre glissait dans un immense apaisement sur Liana.
L’espace et le temps, haletait-elle tout haut dans l’obscurité de sa chambre. L’espace et le temps, l’espace et le temps, l’espace et le temps, répétait-elle comme une litanie lancinante, avant de se demander brusquement pourquoi elle disait ça.
Elle reprit totalement conscience, et jeta un regard effrayé autour d’elle. Tout semblait normal.
Et pourtant, elle se sentait si menacée qu’un tremblement violent saisit ses membres.
Et la question cruciale de son angoisse tomba sur elle comme une massue. Elle se sentait tellement transparente le jour, et si effacée la nuit. Dans l’obscurité, elle n’était plus qu’une ombre, elle-même obscure. Elle se demanda si, raisonnablement, elle pouvait supposer qu’elle existait.
La vie n’était-elle qu’un long rêve dont on ne ...