Chaos, l'immesurable abîme
Datte: 16/09/2018,
Catégories:
nonéro,
Auteur: Lilas, Source: Revebebe
... pour on ne sait quelle raison.
– Ah oui ? fit Fanny d’une voix plus molle, mais tout de même intéressée. C’était qui ?
– Je sais pas. Il jouait du piano dans la salleSatie.
Fanny se figea et jeta un coup d’œil furtif sur Liana.
– Il était blond ? questionna-t-elle.
Sa voix avait changé. Elle prenait des nuances diverses et passait par toutes les émotions, à commencer par l’anxiété et l’impatience. Encore une fois, Liana se garda bien de faire un commentaire. Les retours de Fanny étaient plus meurtriers qu’un boomerang devenu incontrôlable.
– Oui, répondit-elle seulement. Tu vois qui c’est ?
– Oui, oui, lança distraitement sa sœur. Il venait répéter. Le concert de fin d’année est pour bientôt.
– Je vois.
En fait, elle ne voyait pas grand chose. Mais si elle ne disait rien, elle brûlait intérieurement de savoir ce que ce jeune homme pouvait bien avoir à faire avec sa sœur. Fanny avait eu trente ans en mai dernier et le garçon en semblait à peine vingt. Qu’est-ce qui pouvait bien les rapprocher tous les deux ? Il fallait tout de même convenir que Fanny était très jolie, avec ses cheveux bruns et ses yeux verts.
Elle attire tous les regards, se dit Liana, contrairement à moi.
– Il savait que j’étais ta sœur, insista Liana. Pourtant, je suis sûre de ne l’avoir jamais vu. Je n’aurais pas pu oublier ses yeux !
Fanny haussa les épaules, réflexe énervant qu’elle avait repiqué à sa cadette.
– Peut-être que tu n’as pas fait attention, répliqua-elle ...
... d’une voix blasée. Ou alors, il t’a peut-être vue sur des vieilles photos, des archives, je ne sais pas moi. N’oublie pas que tu as été élève ici pendant longtemps.
– Peut-être, reconnut Liana.
Elle n’y avait pas pensé. C’était pourtant une explication plausible.
– Ah Liana, attends avant de partir, commença Fanny en décollant ses yeux de l’ordinateur. J’ai lu des trucs intéressants sur la mythologie grecque l’autre soir. C’est bien les seuls poèmes que je peux apprécier, je crois.
Le meilleur ami de Fanny était historien et Fanny ne perdait jamais une occasion de le rappeler aux gens. Plus d’une fois, elle s’était laissée emporter dans une conversation à n’en plus finir sur l’archevêque de telle région à telle époque ou sur l’histoire d’un demi-dieu dans la Rome antique ; Liana se prit donc à penser immédiatement qu’elle allait encore l’ennuyer avec ses histoires anachroniques.
– Oui, et alors ? fit-elle avec une pointe d’impatience.
– On parlait du néant, l’autre jour, tu te souviens ? Du vide dans l’univers, du chaos probable qu’il y avait dû avoir sur la terre avant que l’homme n’y surgisse. De la création, de tout ça… tu te souviens ?
– Oui, oui, je me souviens, éluda Liana. Alors quoi ?
Cette fois, sa voix avait traduit son énervement.
Mais Fanny continuait, imperturbable :
– Je sais que tu adores ce poème de Laforgue sur le destin, les questions existentielles, etc.
Le« etc » exprimait à l’évidence la subtile réprobation de Fanny.
— ...