1. Chaos, l'immesurable abîme


    Datte: 16/09/2018, Catégories: nonéro, Auteur: Lilas, Source: Revebebe

    ... … Eh bien, tu devrais lire Hésiode, il y a des choses bêtes à mourir, mais d’autres qui expliquent plein de trucs. Comme ce que serait le Chaos, tu vois ?
    
    – Et alors, ça serait quoi le chaos ? fit Liana dans un soupir.
    
    – L’obscurité éternelle, répondit gravement Fanny.
    
    Liana se dit intérieurement qu’elle espérait ne pas y rester, dans cette obscurité.
    
    – Ouais, d’accord, je jetterais un coup d’œil, dit la jeune femme pour faire plaisir à sa sœur.
    
    – Demande à Sylvain, il a plein de bouquins.
    
    Sylvain était l’ami historien.
    
    – D’accord, répéta Liana. Bon, je vais te laisser.
    
    Avant de partir, Fanny lui arracha la promesse de lui parler plus longuement de ce drôle de type, «Tomate l’écrivain », et Liana promit à contre-cœur, sans rectifier son erreur. Soudain, elle n’avait plus envie de parler de M. Tomaze, de ses doutes, de ses angoisses ; elle n’avait plus envie de parler de quoi que ce soit. À quoi bon puisque Fanny n’y comprendrait rien ?
    
    Elle lui dit au revoir et quitta l’école.
    
    Le soir, avec dix bonnes minutes de retard, elle se rendit au bureau de l’écrivain, munie de ses autres illustrations. Elle avait longuement réfléchi à la légitimité de ce projet ; d’où les dix minutes de retard. M. Tomaze l’accueillit avec courtoisie, mais elle sentit qu’il n’était pas dans son assiette, qu’il avait même envie qu’elle parte, sans le lui dire bien entendu. Elle ne se posa pas plus de questions et le quitta rapidement.
    
    Ce fut vers l’angle de sa rue ...
    ... qu’elle s’aperçut que quelque chose n’allait pas ; la rue était déserte dans le crépuscule, mais ses pas faisaient plus de bruit qu’ils ne l’auraient dû et les poils sur sa nuque étaient curieusement hérissés, comme si quelqu’un la regardait fixement.
    
    Liana ne se retourna pas, mais sentit qu’il y avait bel et bien quelqu’un derrière elle, dans la rue. La chose était normale, même d’une banalité stupéfiante, alors elle n’y prêta plus attention. Elle traversa quelques rues, arriva dans une place animée où les cafés commençaient à s’échauffer, regarda attentivement les gens qui débouchaient sur la place et entraient dans des restaurants, sans penser à rien de particulier. Puis elle continua son chemin par une ruelle moins fréquentée. Ses talons claquaient trop fort dans la nuit naissante ; elle avait presque la chair de poule.
    
    Oubliant ses résolutions, elle finit par se retourner. À côté d’un groupe de jeunes se trouvait une femme en imper beige. La chose n’avait rien de curieux en soi. Liana reprit sa marche.
    
    Elle était presque arrivée chez elle quand une intuition la fit se retourner à nouveau, rapidement. La femme était encore là, mais lorsqu’elle vit Liana face à elle, elle lui tourna aussitôt le dos et traversa la rue. Il y avait un cinéma de l’autre côté et la femme se noya dans la foule qui faisait la file d’attente.
    
    Liana la chercha des yeux encore un moment, tout en se disant qu’elle était stupide d’accorder de l’importance à une chose aussi banale. Une femme en ...
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