1. Bérénice et le chat


    Datte: 04/02/2018, Catégories: fête, amour, cérébral, revede, mélo, coupfoudr, amourpass, Auteur: Patrik, Source: Revebebe

    ... la même chose : silicose…
    — C’est triste…
    — Il avait une toute petite maison mais on y était bien. Il n’y avait que deux chambres à l’étage, il avait la sienne qui était aussi celle de ma mère, l’autre servait à tout et à rien, de bureau, de chambre d’amis, de salle de repassage aussi. Néanmoins, il m’avait complètement aménagé le grenier qu’il avait coupé en deux, ma chambre et un fourre-tout. J’avais ma chambre, mon antre. Quand j’y songe, lui et ma mère formaient un couple étrange : mari et femme, père et fille… Moi-même, je ne pourrais te dire s’il était, en quelque sorte, mon père de substitution, mon oncle ou mon grand-père. Je ne sais pas. Alonzo devait frôler la soixantaine quand il s’est mis en ménage avec ma mère.
    — Ah bon, il était plus vieux qu’elle comme ça !
    — Oui, vingt-cinq ans au bas mot ; de plus, il était prématurément vieilli par sa maladie, il en paraissait parfois dix ou vingt de plus. Mais parfois, quand il me racontait son pays, celui de ses parents, il en semblait vingt, trente de moins, c’était étonnant. Ma mère et moi, on adorait l’écouter nous parler de tout et de rien, avec son accent rocailleux, même s’il était né, ici, bien loin de son Espagne. Il était diminué par ses poumons encrassés mais il avait encore beaucoup de vie en lui. Puis un jour, c’était en fin juin, l’année de mes seize ans, on est tous montés dans sa petite voiture, puis on a filé vers l’Andalousie, direct. Il m’a fait découvrir la terre de ses ancêtres, il était fier, ma ...
    ... mère était heureuse, épanouie, elle aussi. C’est là-bas que je n’ai plus été un enfant… C’est là-bas aussi que s’est décidée la suite de ma vie…
    — L’Argentine, le fait de voyager partout ?
    — Oui, en le voyant revivre ainsi, alors que nous savions qu’il était condamné, je me suis dit qu’il fallait que je profite de la vie. Il m’a donné sa bénédiction, il m’a même dit devant ma mère : « Tu feras ce que je n’ai pas pu faire et profite de la vie, tout est si bref. Je lui ai obéi sur ce point ».
    
    Une pause…
    
    — Et trois mois plus tard, il était mort… nous léguant sa minuscule maison et sa petite voiture…
    — Désolé…
    — Tu n’as pas à l’être, tu n’y es d’ailleurs pour rien. Quand j’ai eu l’âge de conduire, j’ai pris sa petite voiture, et ma mère et moi sommes retournés là-bas… C’est avec cette voiture que j’ai parcouru le plus de kilomètres, elle repose actuellement dans une grange, chez un ami. Le plus amusant est qu’elle roule toujours alors que j’ai usé par la suite bien d’autres voitures. Voilà…
    
    Je me sens un peu gauche. J’aimerais lui dire quelque chose, mais quoi ? Je serre sa main dans la mienne. Je brise le silence :
    
    — Mon enfance a été plus simple et calme, tu le sais déjà : mes parents étaient notables, un commerce qui marchait bien. Et beaucoup de représentation : être toujours la meilleure partout, église, œuvres de charité et tout le tralala… je n’ai jamais vraiment pu jouer, j’étais toujours quelque part à accompagner ma mère ou mon père.
    — Pas folichon.
    — ...
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