1. La forêt


    Datte: 08/09/2018, Catégories: nonéro, aventure, fantastiqu, Auteur: Gaed, Source: Revebebe

    ... plus sur la forêt, celle que tu appelles chez toi.
    
    Les deux soldats blessés, l’un au ventre, l’autre au visage, la vieille folle dans sa maison isolée, mon cheval mort, la fille égorgée, l’homme transpercé. Lentement, ma main remonte sur mon cœur, là, tout près de ma blessure.
    
    Des voix se mêlent aux images.
    
    J’ai juste l’impression qu’il me faut rester à ses côtés
    
    La peine heureuse
    
    D’autres voix, des yeux vides.
    
    Il faut bien aller quelque part maintenant, on dit qu’il y a du travail là bas, de quoi manger et dormir en paix et puis, j’ai toujours voulu aller dans une grande cité du royaume
    
    Des bribes de phrases, des mots froids
    
    Tu fais fausse route
    
    qui tourbillonnent en moi.
    
    Vous avez une vilaine blessure dirait-on
    
    Nos âmes entravées
    
    Quittez mon esprit.
    
    Je me dirige vers les forêts d’Eblonde, après le pays d’Ac. Ne me demande pas pourquoi je m’y rends, il me semble que je l’ignore moi-même. Il y a des bois là-bas, des bois, des rivières et du calme
    
    Laissez-moi.
    
    Vilaine blessure
    
    Vilaine blessure
    
    Laissez-moi.
    
    Mais les mots n’en finissent pas de tourner dans ma tête, comme une horrible danse. Les yeux brillants du chat noir semblent planer sur mes songes éveillés. Ses petits globes rouges régnant sur l’incroyable vérité dont la simple perception fait trembler tout mon corps. Ce regard de sang ne me lâche pas et il me semble le voir se fondre au soleil qui disparaît là-bas, derrière des reliefs lointains.
    
    À nouveau les ...
    ... voix résonnent, si présentes que je me demande si je ne les entends pas vraiment, s’ils viennent de ma mémoire ou de l’eau, des bois ou des monts.
    
    Descends le fleuve, descends-le
    
    Le chat qui parle.
    
    Ce chat, où l’ai-je déjà vu ?
    
    On m’en a parlé, c’est certain. La voix de ma mère.
    
    Ma mère qui me raconte quelque chose.
    
    Un conte.
    
    Le chat d’Aslane.
    
    Le passeur.
    
    Par l’Unique, le passeur des âmes vers l’envers. Le monde après la mort.
    
    Ce que j’ai pris pour une hallucination liée à ma chute de cheval n’en est pas une. Je sens une boule dans mon ventre. C’est impossible.
    
    Je regarde tout autour de moi : le fleuve est là qui s’étire à perte de vue.
    
    Il n’y a rien ici, rien du tout.
    
    J’avance vers un mirage, comme tous ceux que j’ai croisés avant. Nous lançons nos corps meurtris dans un impossible voyage. Une route sans fin.
    
    Meurtris.
    
    Tous, nous devrions être morts. Ma main tremble sur ma blessure. Encore des images de batailles, des réminiscences du combat. Un cavalier me charge, sa monture cuirassée fonce vers moi, tête baissée. Ma lame qui se dresse et la chair qui s’enfonce dessus. Des cris, du bruit, des fracas, le cheval et l’homme qui s’écroulent sur moi. Je me vois bondir sur le côté. Un bruit sec, comme un cliquetis, puis un sifflement dans l’air, la douleur qui envahit tout mon torse. Là, devant moi, un soldat qui ricane, arbalète à la main. Je me sens m’écrouler, m’écrouler sur l’homme tombé du cheval. Je reste là, couché, les yeux ...
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